Synopsis :
Le détective Huang Huo-tu est engagé pour enquêter sur plusieurs homicides particulièrement étranges, il est bientôt secondé par un américain spécialisé dans les meurtres en série . Leur collaboration va les mener jusqu'à une secte taoïste dont les croyances tournent autour de l'immortalité ...
Critique
:
Il y a bien évidemment du " Seven " dans cette production taiwanaise, mais c’est surtout au "
Maître des illusions " de
Clive Barker que l’on pense à la vision du film de
Kuo-Fu Chen. On y retrouve une enquête policière flirtant allègrement avec le fantastique, tournant autour d’une secte dont le gourou possède des pouvoirs paranormaux. Autre référence :
X-files, la série culte
de Chris Carter, a sans aucun doute, elle aussi, influencé
Double vision, avec ses meurtriers capables d’auto suggérer à leurs victimes des visions effroyables (comme dans "
insomnies ", un épisode de la saison 2). Même si la filiation avec ces différentes œuvres peut paraître évidente, double vision empreinte néanmoins un tout autre chemin, et contrairement aux titres cités, s’intéresse plus à ses protagonistes, qu’au déroulement de l’enquête policière qui est pourtant au cœur de l’histoire.
Huang Huo To, interprété par Tony Leung Ka-Fai (L'amant, La Rose noire) est détective aux affaires étrangères. Après avoir dénoncé un de ses collègues corrompus, sa vie professionnelle et personnelle bascule, et il se retrouve très vite rejeté par son entourage. Engagé sur une histoire de meurtres au caractère irrationnel, il doit bientôt faire équipe avec Kevin Richter, un agent du FBI, joué par
David Morse (
La ligne verte) dont la spécialité est l’étude des tueurs en série. Très loin des "buddy movies" habituels,
Kuo-Fu Chen le metteur en scène, va s’appliquer à nous présenter des personnages, qui vont, à travers leurs différences culturelles, se rapprocher et même s’entraider. Mais attention, rien à voir avec un
Rush hour, ici les relations entre les personnages sont présentées de façon très sobre et avec beaucoup de doigté. De plus, aidé par une direction d’acteurs irréprochable, le film se montre d’une humilité assez rare face aux divergences ethniques qui opposent les deux héros. Loin de l’intrigue principale, cette présentation délicate des personnages, va favorablement jouer sur l’ambiance et l’implication du spectateur.
Malheureusement à force de s’intéresser à ses personnages, le cinéaste en arrive à délaisser ce qui est au cœur de l’histoire
. L’investigation est donc placée au second plan. Tout comme dans
Seven, l’assassin fait preuve d’une grande inventivité, les meurtres sont donc bien épicés, et suivent une progression logique. Mais contrairement à son illustre prédécesseur, les rouages de l’enquête policière sont assez mal insérés entre les aventures intimistes qui relient les deux protagonistes, d’où une absence totale de suspense. La présence du tueur ne se fait d’ailleurs à aucun moment ressentir, et il est très difficile de trouver un fil conducteur entre les différents meurtres, dont la découverte intervient de façon périodique, (histoire aussi de rappeler qu’il s’agit bien d’une histoire policière). A noter, que l’on ne voit pas une seule fois le tueur perpétuer ses actes. Par conséquent, les deux héros malgré un dénouement final plutôt surprenant, n’ont jamais l’air d’être en danger, ainsi
Double vision perd énormément d’intérêt, et peut même susciter l’ennui. Du moins jusqu’à l’arrivée au temple, qui va d’une certaine façon, remettre les pendules à l’heure …
Le film se montre d’une noirceur assez rare. Que ce soit dans les relations entretenu par Huang Huo To avec ses collègues policiers ou bien avec sa femme qui tente en vain d’obtenir le divorce. Le réalisateur d’ailleurs ne fait aucune concession, et n’hésite pas à faire disparaître un de ses acteurs principaux. Les meurtres sont bien-sûr de plus en plus cruels et sanguinaires, et trouve leur apogée lors de la confrontation entre des policiers et les membres suicidaires de la secte du sage. Cette séquence ahurissante d’une violence inouïe, ne fait effectivement pas dans la dentelle, et aurait très bien pu clôturer le film.
On dit souvent qu’un film moyen, peut être rattrapé par une fin réussie. Ce n’est malheureusement pas le cas de Double vision. Reposant sur une croyance taoïste, qui veut que l’accomplissement de certains actes puissent amener à l’immortalité, la conclusion se veut donc complètement fantaisiste (à base de double pupilles (d’où le titre …), et bactérie extraterrestre). Le long métrage qui depuis le début, avait choisi le parti pris d’un discours sérieux et scientifique, devient alors complètement fantasmagorique incluant magie à gogo, et personnage volant dans les airs. Le spectateur assiste alors incrédule aux dernières péripéties d’un cinéaste qui manifestement a choisit de jouer la facilité, en s’autorisant tous les subterfuges pour au final égarer complètement son auditoire. Dommage, d’autant plus que la vision jusqu’alors pessimiste et sans concession du réalisateur se complait d’un dénouement bien trop " too much " (et bizarrement très américain) pour être véritablement honnête. Les exécutifs auraient-ils encore sévi ? (A noter que c’est le second film produit par Columbia Tristar en Asie, après
Tigre et dragon...)
Conclusion :
Surfant sur la vague des thrillers mettant en scène des tueurs en série,
Double vision s’offre en plus une intrigue très "Au frontière du réel". Très sérieux dans son propos, le film de
Kuo-Fu Chen ne réussit pas à manager son suspense, notamment en raison des trop nombreux aller-retour dans l’univers intimiste des personnages, qui fond passer l’enquête policière en arrière plan. Le long métrage arrive tout de même à retenir notre attention, grâce à l’intensité de certaines scènes, mais gâché par un final un peu trop grotesque le film perd énormément de son impact et au final déçoit.
Rien de facheux, à part un léger manque de définition sur certaines scènes, c'est de la qualité standard en matière de dvd. L'image a par contre tendance à trembloter, plutôt étonnant pour un film qui est relativement récent. A noter que les couleurs parfois grisâtres servent tout à fait le propos du film, et sont donc intentionnelles.
Quatre formats sonores nous sont proposés, tous en Dolby digital 5.1. Comme d'habitude c'est la version originale (mandarin) qu'il faudra privilégier, non pas qu'elle soit la plus techniquement réussie, mais c'est la plus cohérente ... je m'explique : les 4 pistes sont toutes de qualité égale, à la fois subtiles et efficaces, elles offrent en plus une très bonne spatialisation. Juste un petit problème de dynamique sur la piste originale, dût certainement à la prise de son direct, son côté authentique n'est pas toujours très agréable à l'oreille. La piste française est très bonne, et propose un excellent doublage, seulement elle est totalement incohérente. En effet, dans le film, nous assistons régulièrement à des rencontres entre américain et chinois parlant leur langue natale. L'erreur du doublage français, c'est d'avoir traduit tous les dialogues, du coup la barrière des langues est effacée par un tour de passe-passe linguistique qui font que ces séquences sont limite ridicules. Idem pour l'anglais qui en conservant les voix originales des acteurs américain (dont celle de David Morse), s'est amusé à doubler uniquement les dialogues en madarin. A noter qu'elle souffre d'ailleurs d'un gros pb de synchro avec les lèvres des acteurs chinois (un vrai travail de cochon !). Pour l'allemand, même punition, d'autant que cette piste n'était pas vraiment indispensable à cette édition.