L'histoire :
C’est le début des vacances : Anna, Georg et leur fils schorschi partent pour leur belle maison au bord du lac. Fred et Eva, les voisins, sont déjà arrivés. On prend rendez-vous pour une partie de golf le lendemain. Il faut très beau. Pendant que le père et le fils s’affairent sur le voilier remis à neuf, Anna prépare le dîner. Soudain, elle se retrouve face à face avec Peter, un courtois jeune homme, invité des voisins. Celui-ci la prie de lui donner quelques œufs. Eva n’en a plus … Anna s’apprête à les lui donner et hésite : comment Peter a-t-il pénétré dans la propriété ?
Critique artistique :
Michael Haneke, cinéaste Autrichien est le fils d'une actrice allemande catholique et d'un metteur en scène protestant. Avant d'écrire et réaliser de nombreux téléfilms dans les années 70 et 80 il étudie la philosophie et la psychologie à Vienne. Le Septième continent (1989) devient son premier long métrage de cinéma et le premier volet de sa trilogie sur la "glaciation émotionnelle" ("emotionale Vergletscherung") après avoir été refusé par les chaînes de télévision. Cette trilogie comprend Benny's Video (1992) et 71 fragments d'une chronologie du hasard (1994). Après Funny Games(1997), Haneke signe Code inconnu, film-puzzle sur l'immigration, l'exil et l'incommunicabilité avec
Juliette Binoche mais il connaît la consécration avec son film La Pianiste (2000) avec où
Isabelle Huppert incarne une femme autoritaire et frustrée, écartelée entre une mère possessive et un jeune amant. Après Le Temps du loup (2002),
Caché (2005) pousse plus loin la logique de son cinéma.
Dans Funny Games on pourra être amusé par la présence de Ulrich Mühe, le père de famille qui incarnait déjà un autre père de famille dans Benny’s Vidéo et Arno Frisch qui incarnait le jeune Benny et que l’on retrouve sous les traits de Paul, un des deux jeunes tueurs. D’un film à l’autre, le fils protégé par son père se retourne contre ce dernier. On note également la présence de Susanne Lothar (Anna, la mère) qui était aussi présente dans La pianiste (2000) et signe une interprétation éprouvante et magistrale.
Selon les propres mots du réalisateur
Funny Games est un film sur la représentation de la violence dans les médias et dans le cinéma. Michael Haneke a cherché à donner l’analyse de l’œuvre dans l’œuvre ce qui pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un film compliqué et difficile à saisir. En fait, au premier degré le réalisateur voulait faire un film sur la façon de traiter la violence au cinéma. Après Benny’s vidéo, qui décrivait une histoire proche d’un fait divers à l’instar de l’histoire tragique de la famille dans Le Septième continent (1989), Funny Games lui a été inspiré par la lecture de d’articles sur des jeunes de bonnes familles qui se livraient à des crimes pour le plaisir de sentir une sensation. Ces événementiels l’ont beaucoup inquiété ce qu’il traduit par la présence du duo archétypal et redoutable composé de Paul et Peter, tels des Tom & Jerry ou Laurel & Hardy face auquel on en peut rien.
Le plaisir est de montrer au spectateur comment il est manipulable bien que Michael Haneke lui donne toujours la possibilité de s’en sortir. Le réalisateur pense qu’on regarde ce film parce qu’on en a besoin pour être torturé. Cependant, il a conscience qu’il existe un public qui apprécie son cinéma pour la violence qu’ils montrent et qu’il cherche à dénoncer. Regarder jusqu’au bout le film c’est être un peu hypocrite car on peut vite comprendre que les deux jeunes iront jusqu’au bout.
Afin de parvenir à attirer notre attention sur une situation, Michael Haneke développe un art du cadrage en gros plan que peu de cinéastes utilisent avec autant de maîtrise et de rigueur. Le gros-plan est un des signes distinctifs de l’expression cinématographique du cinéaste autrichien qui semble disséquer la réalité en petits fragments. Chaque geste est isolé ce qui contribue à éviter une mainmise hyper-subjective du montage sur la réalité.
Michael Haneke veut nous dire en somme : « Regarde ce que tu regardes ».
Verdict :
Après sa trilogie sur la "glaciation émotionnelle" dont se détachent en particulier Le Septième continent (1989) et Benny's Vidéo (1992), cette édition DVD de Funny Games nous donne l’opportunité de découvrir l’un des cinéastes les plus affûtés sur la dissécation de la représentation de la violence dans les médias et au cinéma en particulier.