L'histoire :
Réalisés en 1974, il s'agit là de quatre films bien violents, complètement délirants et jouissifs, dans l'esprit de Bruce Lee, avec Sonny Chiba, l'acteur adulé par
Quentin Tarantino qui lui donna un rôle dans le récent Kill Bill Volume 1 (le fabriquant de sabres Hattori Hanzo).
# Street FighterUn mercenaire expert en arts martiaux est engagé par des yakuzas qui veulent kidnapper la fille d'un magnat du pétrole. Les yakusas demandent de l'aide à Takuma Tsurugi, mercenaire expert en arts martiaux. Celui-ci accepte mais, lorsqu'il s'aperçoit que les yakusas l'arnaquent, il décide de protéger la jeune fille plutôt que de la kidnapper.
# Return of Street FighterCette fois Streefighter est engagé pour faire taire quelques témoins gênants détenus par la police. Seul, il prend d'assaut tout un commissaire pour parvenir jusqu'à la cellule des prisonniers. Le travail effectué, ses employeurs décident de l'éliminer à son tour.
# Sister Street FighterAprès la disparition de son frère lors d'une enquête d'infiltration, une jeune recrue de la police de Hong Kong rentre au Japon afin de le retrouver. Elle est alors confrontée à un malfrat féru d'arts martiaux qui a engagé des maîtres de différentes disciplines pour le protéger. Un mystérieux mercenaire lui porte assistance.
# Street Fighter last revengeAlors qu'il trempe dans une sombre histoire de chantage, Streetfighter devient l'homme à abattre pour des policiers corrompus. Flics et truands se lancent à sa poursuite. Dans le quatrième épisode de la saga, Streetfighter est confronté à son nemesis, un policier dont la technique de combat est sans égal.
Critique artistique :
Réalisée en 1974 La saga Street Fighter permet à
Sonny Chiba de se faire connaître à l’étranger en 1975 en y incarnant le cruel mercenaire Terru Suruguy, rôle vedette d’une série de film très violent. Si la dialectique ne casse pas des briques, le karaté au style brute et bourru de Sonny Chiba casse les têtes et fracasse les corps. Inévitablement en voyant cette débauche d’un karaté de rue développé par un mercenaire souvent en guerre contre les yakusas et toujours à son propre compte on pense aux réalisations hongkongaises dont des héros tels que
Jimmy Wang Yu et
Bruce Lee ont sans doute servi de modèle pour donner naissance à un véritable héros du monde des arts martiaux à la sauce japonaise. Le personnage de
Sonny Chiba avec ses gros sourcils épais et son karaté qui semble aussi implacable que fatal associé à une présence quasi-animale et à ses mimiques moins gracieuses que celles d’un
Bruce Lee racé et félin, se présente comme une réponse et une alternative au film de Kung Fu Hongkongais proposée par le cinéma nippon. La dimension machiste et brutale du personnage et son style martial le rapprochent beaucoup de la personnalité des personnages incarnés par
Jimmy Wang Yu dans des films tels que
Le Boxeur manchot.
Sonny Chiba est l’une des stars les plus connues et les plus brillantes de la télévision et du cinéma japonais, qui a aussi remportée au cours de ses quarante ans de carrière des succès significatifs sur la scène internationale. Considérant
Shinichi Sonny Chiba comme le plus grand acteur de l’histoire du cinéma d’arts martiaux,
Quentin Tarantino lui a rendu hommage dans plusieurs de ses films dont notamment
Kill Bill I (2003) où il incarne Hattori Hanzo aux côtés par ailleurs de
Gordon Liu qui incarnait le moine Pei Mei, personnage du film
Les exécuteurs de Shaolin (1977). On sait d’autre part que les protagonistes de True Romance (1993) ont assisté à une rétrospective du diptyque Streetfighter qui fit la gloire de Chiba dans les années 70, et le personnage de
Samuel L. Jackson (qui ironie du sort doit incarner la voix du personnage principal de
Afrosamouraï, un animé nippon en production mettant en scène un samouraï noir), distillant de tonitruantes citations bibliques dans Pulp Fiction (1994), s’inspirait de celui du tueur à gages incarné par Chiba dans sa série Shadow Warriors que le jeune Tarantino suivait en V. O. sur l’International Channel de Los Angeles.
Le succès de l’acteur nippon repose en parti sur Golgo 13: Kûron no kubi (1977), une adaptation d’un manga du mangaka Takao Saito dont l’oeuvre a été aussi adapté en animé (The Professional : Golgo 13). Golgo 13 est une série très connue et constituée d’une collection de 130 albums que personne n’ignore au Japon car son apparition sur le marché du manga des années 50 a coïncidé avec un mouvement qui tentait de se démarquer des mangas habituels qui étaient toujours drôles et amusants au profit de thèmes sérieux pour adultes dont le personnage d’habile tueur international Golgo 13 est l’illustration. Ceci explique pourquoi le personnage animal et hyper-violent incarné par Sonny Chiba dans Golgo 13 mais aussi Gambler Cop ou Lone Wolf Gambler a autant marqué. Son personnage a eu une importance d’autant plus forte que Sonny Chiba s’est spécialisé dans ce type de rôle jusqu’au milieu des années 80. Également connu à l’étranger pour sa création dans Message From Space (une sorte de clone nippon de La Guerre des étoiles signé Kinji Fukasaku), Chiba a considérablement adouci son image depuis son premier rôle de samouraï dans Shogun’s Ninja (1982). Depuis, il a notamment inscrit à son actif Dragon Princess, Virus et Lelend of Eight Samurai. On l’a également vu dans la série télévisée Storm Riders, Tian xia (1988) puis le film The Storm Riders (1998) de
Andrew Lau avec
Aaron Kwok,
Ekin Cheng (
Légende de Zu) ou
Shu Qi (seulement présente sur le film), dans Battle Royal II (2003) et dans le rôle de Hattori Hanzo dans
Kill bill I & II pour lesquels il a aussi été Chorégraphe Kenjutsu sur
Kill bill I & II.
Bien que la saga des Street fihter constitue un bon divertissement, il est inévitable de constater que la série est devenue un peu moins surprenante qu’elle ne devait l’être à l’époque de sa sortie dans les salles car depuis, de nombreux personnages plus durs et violents que le mercenaire Terru Suruguy ont renouvelé le genre. Cependant, en comparant le personnage incarné par Bruce Lee notamment on reste un peu pantois face à un Sonny Chiba dont l’animalité explose à l’écran. Terru Suruguy est bel et bien un authentique prédateur qui n’accepte de venir en aide aux autres que par intérêt, quand son honneur est bafoué ou par principe en particulier lorsqu’il s’agit de casser quelques têtes de yakusa qu’ils méprisent. Un tel animal cinématographique ne pouvait que séduire un public japonais désireux de s’évader de la contrainte sociologique d’une société nippone très normative. Il est également très amusant de constater comment l’influence du manga se retrouve dans ces films où on voit par exemple une scène de cassage de tête révélée par radiographie afin de voir les os se fracturer. Pas de doute Street Fighter est bien une quadrilogie japonaise où s’exprime un karaté d’une radicalité bourrue qui n’a rien à envier aux autres films d’arts martiaux de l’époque si ce n’est peut-être la grâce féline et inquiétante d’un Bruce Lee au physique inoubliable.
Il faut aussi avouer que la saga parvient à maintenir une certaine cohérence et qualité des scénarios afin de toujours ménager des retournements qui permettent notamment au personnage récurrent Tateki shikenbaru, le méchant incarné par Masashi Ishibashi de prendre sa revanche contre Sonny Chiba qui lui fait subir les pires outrages jusqu’à le priver de l’usage de la parole et le condamner à se servir d’une prothèse vocale. Il est d'autant plus facile de suivre les différentes histoires que l'intrigue est très dynamique et ne souffre pas vraiment de passage à vide. On note aussi la présence d’un assistant peureux aux côtés de Terru Suruguy que ce dernier semble autant apprécier pour son dévouement que mépriser pour son manque de courage. Il faut avouer que l’on peut tirer un certain plaisir à voir un type plonger ses doigts dans la gorge d’un témoin gênant pour le réduire au silence comme le fait Suruguy dans le Return of Street Fighter ou dans Sister Street Fighter et que d’autres ont repris comme
Patrick Swayze dans Road house (1989) de Rowdy Herrington.
Verdict :
HK Vidéo met à disposition une édition DVD de très bonne facture sur une saga japonaise qui tient une place particulière dans le cinéma des arts martiaux. La saga des Street fighter vaut le coup d’être découverte en particulier afin de mettre en perspective les relations entre les différents cinémas asiatiques de cette période aux cours de laquelle ont évolué autant Sonny Chiba, que Bruce Lee ou des héros du Wu Xia Pian comme David Chiang et Ti Lung voire Jackie Chan ou encore Sammo Hung.