L'histoire :
Paris, 2054. Ilona Tasuiev, une jeune scientifique, est mystérieusement kidnappée. Karas, un policier spécialisé dans les affaires d’enlèvement, se lance à sa recherche mais, rapidement, il comprend qu’il n’est pas seul sur ces traces. La jeune femme est l’enjeu d’une guerre occulte qui menace l’avenir de l’humanité…
Critique artistique :
Pour son premier long-métrage, le réalisateur Christian Volckman s’est lancé dans le projet Renaissance, un thriller d’anticipation en noir & blanc qui a nécessité 3 ans de production et la création de la société Attitude Studio. Il s’agit d’un studio d'animation 3D dont l'une des spécialisations est la motion capture qui consiste à enregistrer les mouvements d'un comédien et de les appliquer ensuite sur un personnage virtuel en trois dimensions. Ce procédé a été utilisé notamment dans le film d'animation
Le Pôle Express de
Robert Zemeckis (2004), sur Final Fantasy (2001) ou
Immortel (ad vitam) (2002) de Enki Bilal. Pour Renaissance, un casting de comédiens a été mis en place afin d'établir une distribution complète de 40 acteurs comme pour un film traditionnel. Il faut noter que pour la version anglaise, Karas est incarné par
Daniel Craig, notre nouveau James Bond 007 et que contrairement à ce qu’on pourrait penser le jeu des acteurs est plutôt bon ce qui permet de donner aux personnages de synthèse une vraie présence. A titre de comparaison, il n'y avait que 5 comédiens qui se partageaient tous les rôles sur Final Fantasy (2001) qui brillait par son innovation technique mais laissait un peu à désirer au niveau du jeu et de l’expression des personnages. Parmi les dernières réalisations d’Attitude Studio figurent les séries télévisées Skyland et Galactik football, toutes deux diffusées sur France 2. En plus de son travail au sein de Attitude Studio et de son expérience sur son court-métrage Mazz (1999), Christian Volckman a été associé aux court-métrage
L’homme sans tête (2003) dont il a réalisé l’affiche et est aussi crédité sur le jeux vidéo Rayman version 1995.
Le tournage d’un film en 3D comme Renaissance c’est un peu jouer à retour vers le futur pour recadrer une scène au mieux ; autant de degrés de liberté est réellement magique mais extrêmement perturbant. Il n’est pas possible de produire le montage complet du film avant d’avoir au moins modéliser toutes les scènes contrairement à un tournage classique où tous les plans sont en boite avec les bons cadres. Une production en 3D implique non seulement de faire un montage au jours le jours mais de pouvoir retourner à la scène originale à tout instant pour recadrer chaque plan afin d’obtenir le montage voulu. Un mode de production vertigineux qui trouve sa raison d’être dans la virtualité de la technologie des images de synthèse. Même la motion capture sert ce processus en permettant de voir les scènes selon n’importe quel point de vue et avec autant de caméra que nécessaire. Christian Volckman confie à la fin du documentaire des bonus qu’il a cherché à réaliser un film qui soit le reflet d’un dépassement d’une vision manichéiste en essayant d’aller au-delà du noir et du blanc, de l’image filmée et de l’image de synthèse ; si cet objectif n’est peut-être pas atteint on peut penser que Renaissance est un objet filmique hybride qui risque fort d’ouvrir la voie à d’autres productions originales. Grâce à la 3D le réalisateur a pu explorer une forme d’animation expressionniste inspirée par exemple par
M le Maudit (1931) de
Fritz Lang, qui porte encore les traces de l'expressionnisme. L’expressionnisme du rendu initial a été obtenu en lissant les visages afin de produire un rendu plus fin.
Renaissance arrive alors que plusieurs autres films dotés d’une identité graphique très forte comme
Sin City (2005),
Capitaine Sky et le monde de demain (2005) ou
A scanner darkly (2006) étaient en production. Tous ces films s’inscrivent dans une voie ouverte par
Tron (1982) - on attend toujours le deuxième volet - qui explorait le mélange des prises de vue réelles compositées avec des images de synthèses basiques et des effets spéciaux sauf que ces films plus récents vont plus loin en mélangeant souvent des informations plus abstraites de la réalité comme celles récupérées par la motion capture avec des images de synthèses. Parfois comme dans
Immortel (ad vitam) (2002), des personnages réels sont filmés sur fond vert puis mélangés avec des décors et des personnages de synthèses animés par motion capture.
Sin City (2005) est probablement le plus réussi de cette liste de film et on attend le deuxième volet de cette brillante adaptation de la BD de
Frank Miller. Même si il est peu probable que
Renaissance donne lieu à d’autres films avec la même identité graphique, son principe général de conception va certainement être réutilisé dans le futur pour d’autres productions destinées autant à la télévision pour des séries ou pour le cinéma.
La 3D et des technologies associées ont énormément progressées dans le secteur du jeux vidéo où les cinématiques prennent une place de plus en plus importante et du dessin animé au point que Disney avait annoncé ne plus vouloir réaliser que des animation en image de synthèse en 2004 à l’instar de Pixar qui a déjà le fabuleux parcours que l’on connaît. Depuis Disney est revenu sur sa décision pour le projet The Frog Princess en production et totalement réalisé en 2D. Dans le même temps, on voir que la 3D se prête a peu près à tout les univers -
Georges Lucas a considérablement exploité la 3D pour les derniers volets de Star Wars - puisque
Michel Ocelot s’y est essayé pour son film
Azur et Asmar (2006). On assiste dans le même temps au développement de plusieurs niveaux de raffinage des productions selon leur budget comme on l’avait vu avec
La véritable histoire du petit chaperon rouge (2005) par exemple. Ce corpus de réalisation incorporant des images de synthèse ou tournées entièrement 3D laisse présager de nouvelles réalisations adaptées à chaque média. Petit à petit les techniques de réalisation des images de synthèse rentrent dans les mœurs et les productions accordent de plus en plus d’importance à la qualité des scénarios comme on le voit chez
Pixar (
Les indestructibles,
Cars) ou
Dreamworks (
Shrek).
Ce qui pêche un peu sur Renaissance est son intrigue qui reste moyenne bien que totalement imprégné de l’ambiance des polars – une des influences du réalisateur est James Ellroy dont Le
Dahlia noir (2005) est sur nos écran – et profitant de décors et d’ambiances très bien pensés. On peut trouver que Renaissance réussit parfaitement à donner une nouvelle vision futuriste de Paris dont est conservé l’identité si particulière qui fait d’elle une des villes les plus appréciées au monde mais il est vrai que les influences sont très repérables et nombreuses. Ainsi, on retrouve l’influence de Blade Runner (1982) pour la présence des écrans,
Minority Report (2002) pour ses interfaces (les deux films se déroulent en 2054) et les concepts cars fabuleux que l’on retrouve ici mais avec la marque Citroën ou Bienvenue à Gattaca (1997) pour son univers rétro-futuriste. On peut aussi retrouver des références indirectes aux hologrammes de
Retour vers le futur II (1989) ou de A.I. Artificial Intelligence (2001) mais aussi aux costumes d’invisibilité de certains personnages de Ghost in the Shell (1995). Parfois les influences se croisent avec des films comme Blade Runner(1982) ou Akira (1988) dans lesquels évoluent des personnages atteints de progéria, une maladie qui produit un vieillissement accéléré très tôt chez l’enfant. Mais Christian Volckman évoque également Hitchcock, Le Cabinet du docteur Caligari (1962),
Metropolis(1927) ou encore
M le Maudit (1931), qui porte encore les traces d'un expressionnisme pour faire un « film moderne renouant avec les obsessions cinématographiques du muet. L’idée avec le noir et blanc était de revenir aux sources du cinéma, dans son aspect brut, sensitif, primal.»
Verdict :
Renaissance a pu décevoir certains espoirs à cause d’un conformisme scénaristique relatif mais si vous aimez la science-fiction et l’univers du polar c’est un film à voir. Le film fait parti des films pionniers qui permettent de laisser la voie ouverte à de futures tentatives de cinéma sinon inédits, assurément excitant. Cette édition DVD collector est de plus très belle et pourvu de bonus appréciables, un peu moins fournis que la version Ultimate mais mieux que l’édition simple. Un beau cadeau de noël pour les grands enfants, fans de 3D, de science-fiction ou de polar.