Critique subjective :
Avec Le système Poutine, le documentariste Jean-Michel Carré pose cette question : qui est réellement Vladimir Vladimirovitch Poutine ? Une interrogation pertinente dans la mesure où l’actuel président russe, avec son visage minéral et son regard de glace, ne laisse jamais rien transparaître. Impénétrable et froid, voilà sans doute les deux adjectifs qui s’imposent d’emblée à l’évocation du personnage. Empruntant une forme des plus classiques (mélange de voix of, d’images d’archives et d’entretiens), mais efficace, Le système Poutine va s’atteler à nous dresser le portrait d’un homme moins énigmatique qu’il n’y paraît.
La première partie du documentaire est axée sur la trajectoire ascensionnelle de Poutine. Avec pour principal trait de caractère une loyauté absolue envers sa patrie (un élément qui conditionnera tout son parcours), il intègre le KGB à l’âge de vingt-trois ans. Il en sortira quinze années plus tard, au moment où l’organisation tombe en disgrâce suite au putsch raté de 1991. Quelques temps plus tard, on retrouve Poutine adjoint au maire de Saint Petersbourg, puis chargé des privatisations, puis responsable des propriétés de l’état. Régulièrement promu, notre homme finira directeur du FSB (ex-KGB), une consécration. Commencera ensuite une carrière politique au sommet de l’état : premier ministre en 1999, président par intérim (après avoir été adoubé par Eltsine et les oligarques), président (52 % des voix en 2000) et à nouveau chef de l’état (71 % des suffrages en 2004). Souvent considéré comme un pion, Poutine est en réalité un fin stratège (il est souvent au bon endroit au bon moment) qui suit un itinéraire bien précis et mûrement réfléchi. Au fur et à mesure qu’il gravit les échelons, et que son pouvoir croît, on sent bien que sa « dangerosité », une sorte de violence contenue, augmente considérablement.
La deuxième partie du métrage détaille ce fameux « système Poutine ». Une fois à la tête du pays, Vladimir Poutine va prendre le contrôle de l’énergie et des médias, et, plus globalement, réinstaller un système quasi-stalinien aux forts relents KGBistes. Fermeté et contrôle deviendront les mots-clés de ce système poutinien, l’affaire du Koursk l’illustre d’ailleurs parfaitement. En ce qui concerne la Tchétchénie, Poutine ne fera pas non plus dans la demi-mesure (on se souvient de sa déclaration : « buter les terroristes jusque dans les chiottes »). Le mouvement rebelle sera décapité à grand renfort d’assassinats politiques et la guerre, ravageuse en diable (200 000 morts pour une population d’un million d’habitants), sera requalifiée en guerre civile. Tenant l’Europe par le gaz (l’Ukraine en a fait les frais) et le pétrole (l’énergie et le commerce des armes sont les nouveaux leviers stratégiques russes), le président russe bénéficie d’une hypocrisie diplomatique assez ahurissante (Jacques Chirac lui décernera la grand croix de la légion d’honneur, un évènement que seules les télévisions russes seront autorisées à filmer …). Seule l’Amérique osera, tout au plus, dénoncer les nouvelles lois liberticides instaurées en Russie. A l’intérieur de ses frontières, Poutine sait néanmoins s’attirer la sympathie du peuple à grands coups d’augmentation des salaires et de propagande télévisuelle massive (ce second moyen d’action vous rappelle un autre homme politique ?).
Verdict :
Restaurer la grande Russie, tel a toujours été l’objectif de Vladimir Poutine. Force est de constater qu’il y est globalement parvenu (c’est à nouveau un pays puissant et redouté dans le monde), mais à quel prix ? La Russie est plus forte, certes, mais les libertés de ses citoyens se sont considérablement affaiblies. Pour preuve : ce n’est pas demain que ce pertinent Système Poutine sera diffusé sur les chaînes russes …
- Clip « Je veux un mec comme Poutine » par The Putin girls (3 minutes) : La preuve que la propagande poutinienne passe aussi par la soupe musicale.
- Œuvres de Andreï Boudaïev (1 minute) : Un diaporama constitué des « tableaux-montages » vus dans le film et d’autres œuvres du même artiste.
- Entretien avec Andreï Gratchev, conseiller politique et porte-parole officiel de Mikhaïl Gorbatchev (32 minutes) : Des propos éclairés sur l’évolution socioculturelle de la Russie sous Poutine. On déplore d’autant plus que Gratchev ne soit pas captivant pour deux roubles.
- Entretien avec Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou (11 minutes) : Interview édifiante (voilà un intervenant captivant !) sur l’évolution de la censure dans les médias russes.
- Filmographie du réalisateur.
- Espace Editions Montparnasse (3 minutes) : Bandes annonces des films Le monde selon Bush, Viva Zapatero, We feed the world.