Paris résonne de milles bruits en ce matin du 05 Septembre 1661 : Fouquet, le puissant conseiller du roi, est arrêté sur ordre de Colbert. Le jeune Louis XIV devient le seul maître. Alors que les autres artistes se précipitent au service du monarque, un homme se lève pour affirmer son soutien au surintendant déchu, le poète Jean de La fontaine.
Réaliser une biographie de La Fontaine pouvait faire craindre une œuvre tirant un peu trop sur le classicisme, au point de ne rendre le discours buvable que pour une seul couche de la population, fanatique d’œuvre rédhibitoire glorifiant leur ego par un semblant de culture aussi restreinte que l’esprit dont elle fait part. Une population qui à l’image de celle qui occupait les couloirs de Versailles à l’époque glorieuse de Louis XIV, ne cherchait qu'à afficher sa culture pour mieux masquer son manque inévitable d’esprit. Une cour aussi malsaine que déconnectée de la réalité d’un peuple qui ne demandait qu’un peu d’attention.
Aux vues du film de Daniel Vigne à qui l’on devait déjà le très surprenant « Fatou la Malienne », on peut d’ores et déjà parler d’une réussite en demi-teinte. Principalement car si le discours et le traitement se veulent ouvertement en totale harmonie avec les personnages tels que l’on doit se les imaginer et non tels qu’ils nous sont représentés dans les livres d’histoire et de littérature, le choix (ou la direction) des comédiens se veut un peu mal maladroit.
Si Lorant Deutsch (Le coût de la vie, Ze film) s’avère particulièrement convainquant dans le rôle du fabuliste, au point que l’on sent pratiquement à chaque intervention, le plaisir d’épandre les mots de l’écrivain comme autant de critique de la société, pour mieux en faire comprendre les sens. Le comédien est habité par l’illustre auteur et nous offre un « La Fontaine » aussi complexe qu’émouvant. Une réussite qui se confirme par notre irrésistible de replonger dans les fables de l’auteur. Ainsi que Philippe Torreton toujours aussi impeccable, particulièrement dans le rôle de ce Colbert aussi vénéneux qu’un serpent au cœur de l’amazonie. L’opposition des deux comédiens est un véritable plaisir pour les yeux, autant que pour l’esprit. Leur impeccable surpasse de loin celui des autres, comme Julien Courbey (Le raid, Chouchou) et Jocelyn Quivrin (Jacquou le croquant, 99F) qui semblent assez mal à l’aise d’interpréter respectivement Molière et Louis XIV. Le premier n’arrivant jamais à tout à fait s’imprégner de personnage aussi complexe que pouvait être le plus célèbre dramaturge français.
Le scénario en revanche nous permet de mieux approcher cette société d’un XVIIème siècle aussi décadent que grandiose. L’intrigue nous permet de découvrir une partie du personnage de La Fontaine, bien trop souvent éludée dans les livres scolaires. Intelligemment construite, celle-ci nous emmène dans les dédalles d’un film qui n’est pas sans rappeler l’œuvre d’Alexandre Dumas.
En conclusion, un film intelligent qui ne pêche que par son interprétation secondaire parfois peu convaincante. Dans l’ensemble « Le défi » de raconter une partie de la vie souvent oublié de Monsieur Jean De La Fontaine est d’ores et déjà réussit.