Résumé
Ree Dolly a 17 ans. Elle vit seule dans la forêt des Ozarks avec son frère et sa soeur dont elle s'occupe. Quand son père sort de prison et disparaît sans laisser de traces, elle n'a pas d'autre choix que de se lancer à sa recherche sous peine de perdre la maison familiale, utilisée comme caution. Ree va alors se heurter au silence de ceux qui peuplent ces forêts du Missouri. Mais elle n'a qu'une idée en tête : sauver sa famille. A tout prix.
Le film
Proche de True Grit, pour son évocation des étendues sauvages, le film relève du western dans sa propension à opposer des personnages aux visages burinés, profondément ancrés dans un environnement hostile. La forêt des Ozarks tient ici lieu de nouvelle frontière du Far West américain. Chaque plan, chaque séquence, souligne alors l’âpreté des conditions de vie, de la mort qui rôde et souffle sa brise par-delà des paysages froids et inhospitaliers, et semble dépeindre l’état d’esprit de Ree, habitée par l’absence du père, et des responsabilités trop lourdes qui en résultent.
Assimilables à l’outlaw du grand Ouest américain, les protagonistes de Winter’s Bone sont tous des marginaux au sein d’une zone de non-droit, où la seule justice est celle du vigilantisme. Winter’s Bone évoque en cela un thème déjà relayé par A vif, qui soulignait ce droit à l’auto-justice.
Autre parentalité cinématographique, celle de Frozen River, pour sa dimension sociale. Transfigurant les contraintes géographiques, la frontière est désormais celle des inégalités sociales et économiques, d’un territoire américain fracturé, isolant les individus au sein de parcelles communautaires. Mais c’est aussi par extension le contexte économique qui est invoqué. Dans sa galère pour sauver sa maison, Ree (très justement incarnée par Jennifer Lawrence) doit ainsi rivaliser d’ingéniosité pour subvenir aux besoins de sa famille : solder la caution du père, se nourrir d’expédients, chasser l’écureuil, proposer ses services à l’armée américaine. Le mythe de la Frontière américain transparaît ainsi sous une occurrence plus rusée, réactualisée. C’est de la survivance dont il est question ici, d’un contexte difficile imposant aux individus de s’adapter très tôt à leur environnement, ou bien périr.
True Grit, Frozen River, A vif … autant de corrélats filmiques qui partagent un même regard sur le déplacement du mythe de la Frontière. Officiellement close en 1890, cette dernière s’est métamorphosée sous l’impulsion des inégalités sociales grandissantes de la société américaine. D’une frontière purement géographique, celle-ci s’est muée en frontière sociale et économique. Le sentiment d’étrangeté profondément ancré dans la psychologie collective, et parfaitement restitué au sein de Winter’s Bone, n’est alors démenti qu’à l’occasion d’une réunion d’anniversaire, bercée par une complainte country-folk, séquence élégiaque et fondatrice de nombreux espoirs.
L’épilogue est alors l’occasion pour Debra Granik d’évoquer la perpétuation des traditions, celles qui soudent des individus qu’à priori tout oppose. Illuminant l’ensemble du récit, la scène finale nous invite à reconsidérer les événements sous un angle nouveau. L’instrument que Ree donne à sa petite sœur est ainsi le signe que l’avenir peut être envisagé de manière positive. Ayant franchi les rites initiatiques du passage à l’âge adulte, Ree devient femme, et se porte garante des valeurs du modèle américain.
Rendant hommage aux conditions de vie déplorables de la middle-class américaine, et témoignant de la crise économique qui sévit actuellement jusque dans les régions les plus reculées des Etats-Unis, Winter’s Bone est un signe des temps. Au sens propre comme au figuré, le cœur de l’hiver n’est plus lié aux saisons, mais au rythme d’une Amérique qui ploie encore sous la crise immobilière, et dont les répercussions restent insoupçonnées. L’arbre qui cache la forêt, où la forêt des Ozarks qui masque la désolation …
Filmé avec une caméra numérique 4K, Winter’s Bone bénéficie de la liberté offerte par le numérique, tout en atteignant une qualité photographique proche de celle de la pellicule. Le résultat est au final hors-norme, et trouvera son point culminant à l’occasion d’une édition Blu-Ray. Le constat est donc sans compromis : un contraste et une définition exemplaire
Les pistes 5.1 française et anglaise versent dans le grand classique. Efficaces, sans pour autant atteindre des sommets qualitatifs. Ce constat prévaut en raison de la nature même du film, intimiste et sans effets d'esbrouffe acoustiques.