Les couleurs du destin

En lisant les poèmes de Ntozake Shange, le réalisateur Tyler Perry a trouvé la matière qui lui manquait pour pouvoir donner sa propre vision d’une condition féminine, bien souvent mise à mal dans une société américaine. En effet l’œuvre de l’artiste qui se résume, pour ce qui est de ce film, à 21 poèmes qui s’inspire de la violence faites aux femmes et de ce combat qu’elles ont décidés de mener pour échapper au suicide, et se tourner plutôt vers un arc-en-ciel qui leur permettra de voir la vie autrement et de l’aborder avec toujours autant de courage et de fierté.

Derrière un titre particulièrement long, mais tellement évocateur: « A toutes les femmes noires qui ont un jour pensé au suicide mais on préféré se tourner vers un arc-en-ciel », on peut découvrir une œuvre sombre, tendre, pleine d’espoir et de lumière, où le cœur des femmes se confie à l’esprit des lecteurs et maintenant des spectateurs qui vont pouvoir découvrir une œuvre à la hauteur de ce recueil de poèmes.

Car effectivement le réalisateur a pris le parti de garder les poèmes de Ntozake Shange pour les intégrer intégralement dans les dialogues de son film. Sa réalisation est méticuleuse et entraine le spectateur à découvrir les destinées de ses héroïnes qui traversent la vie comme autant d’âmes échouées, prêtent à franchir le pas de l’irréparable. Seulement la réalisation de Tyler Perry est aussi académique que les poèmes dont le film est inspiré. Le spectateur a beaucoup de mal a se situer dans la trame du film. On comprend très rapidement que les destins des personnages vont se croiser inlassablement sous l’œil passif du spectateur, mais pour un peu qu’il ne soit pas préparé à ce qu’il va voir et surtout entendre, il a particulièrement du mal à encaisser les poèmes qui arrivent sans réellement de ménagement comme des monologues mal calibrés. Car si la mise en scène reste finalement sobre, elle devient subitement très classique pour mettre en valeur les poèmes, mais laisse totalement le spectateur sur le carreau.

Côté distribution, chacun y va de sa prestation inspirée, à commencer par Janet Jackson dont on ne s’attendait justement pas un à un jeu si soigné. La chanteuse fait preuve d’un véritable professionnalisme dans sa composition, et son apparition est chaque fois remarquée et remarquable. Autre bonne surprise de l’ensemble, la prestation de Whoopy Goldberg, qui nous rappelle qu’avant de se perdre dans des productions souvent mal conçues ou ineptes, elle avait brillé dans une film magistral : « La couleur Pourpre ».

En conclusion, « La couleur du destin » est un film sombre et puissant, qui perd en intérêt par la volonté certes louable, mais surtout maladroite du réalisateur de garder l’intégralité des poèmes dont sa trame est inspirée. Une idée qui alourdi de manière pesante le dynamisme de son œuvre. On peut tout de même se consoler avec l’interprétation inspirée et remarquable de la distribution.

Une image soignée, qui sait se faire brillante avec des noirs présents, des contrastes bien dosés pour mieux habiller l’atmosphère du film, et respecter ainsi les images soignées du directeur de la photo. Les couleurs parviennent à garder une certaine chaleur et les verts ressortent avec intelligence, pour mieux renforcer certains aspects des personnages. L’ensemble est soigné.

Une bande son à la hauteur du film, un 5.1 efficace et sobre en même temps, puisqu’elle permet de ne pas être trop envahit par des basses parfois pesantes dans ce type de programme. On notera tout de même parfois quelques déclages entre certains dialogues. Malgré tout l’ensemble reste cohérent.

Un making of qui a le mérite de nous aider à mieux comprendre les aspiration du réalisateur Tyler Perry, particulièrement autour de l‘œuvre de Ntozake Shange. Le documentaire se base majoritairement sur les interviews des uns et des autres pour que l’on puisse mieux associer les approches de chacun. Et autre bonne idée, il nous permet de découvrir l’importance de cette œuvre littéraire anglo-saxonne dans le cœur des intervenants. Passionnant !