C’est l’été à Tanger. Une famille se réunit sur 3 jours dans la maison familiale suite au décès du père, pour se remémorer les souvenirs et partager sa perte, comme le veut la tradition musulmane. Il faut quitter les plages, les maillots de bain pour se vêtir de djellabas, réunir tout le monde et donner à la maison des allures d’enterrement. L’agitation est à son comble d’autant plus que cet homme n’a laissé derrière lui que des femmes. Tout va basculer avec l’arrivée de Sofia, la dernière des filles, celle qui a fait sa vie ailleurs. Actrice n’interprétant que des rôles de terroristes dans des séries américaines, elle arrive de New York après plusieurs années d’absence. Son retour va être le moyen de régler ses comptes avec ses sœurs et bouleverser l’ordre établi depuis toujours par ce patriarche. Entre rire et larmes, une hystérie collective va mener chacune de ces femmes à se révéler à elle-même...
Le cinéma de l’autre côté de la méditerranée, réserve souvent de belles surprises. C’est une fois de plus le cas avec « Rock The Casbah » de la réalisatrice Laïla Marrakchi (Marock). Un film simple, limpide qui se lit de plusieurs façons. D’abord au premier degré avec cette histoire de deuil, sur fond de déchirures personnelles, de vérités enfouies, dans laquelle la réalisatrice dresse différents portraits de femmes marocaines unies dans le deuil, mais si différentes les unes des autres. Il y a la sœur imprégnée de religion et de tradition, l’autre qui ne vit que pour le regard des autres et qui se perd dans de fausse espérances, et enfin la dernière occidentalisée, actrice aux Etats-Unis. Toutes les trois nourrissent un rapport personnel conflictuel ou symbolique avec un père qui vient de disparaitre. Ces trois sœurs reviennent dans une maison au cœur d’une famille qui semble avoir vécue à travers les traditions et les coutumes d’un pays qui refuse la radicalisation.
Et c’est bien là la deuxième lecture du film ! Celle de la peinture d’une société qui se revendique comme indépendante et véritablement ouverte vers l’occident. Une société qui refuse l’extrémisme religieux et de revendique totalement modéré, tout en conservant une profonde culture musulmane, avec le respect de l’autre et de la vie. La réalisatrice casse les codes, utilise les différences de ses personnages pour nous exposer toute la diversité d’une société qui ne cesse de porter haute les couleurs du Maghreb avec des ouvertures de ton, des mains tendus à l’occident et une volonté de modérer sa ferveur religieuse tout en gardant un pied ancré dans ses traditions. Laïla Marrakchi livre un récit tout en sobriété, n’évite pas forcément quelques clichés mais vante une vision de la famille, soudée, même dans ses déchirures.
L’interprétation y est particulièrement réjouissante à l’instar de Morjana Alaoui (Marock) et Hiam Abbass (la source des femmes) qui portent comme un étendard cette fierté de femmes indépendantes, aux valeurs fortes qui sont prêtent à tous les sacrifices pour que l’honneur, et la survie de la famille soient toujours une priorité.
En conclusion, « Rock The Casbah » est une œuvre toute en simplicité qui offre une peinture tendre et sans concessions de femmes unies dans le deuil d’un homme qu’elles ont toujours respecté et aimé malgré certaines incompréhension. Un film sur l’honneur, sur l’amour, le deuil et la fierté, mais également un film sur une société pluriculturelle forte et magistrale.