Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.
Des films de genre français, il n’y en a pas tant que ça ! Encore plus lorsque l’on parle de film d’horreur ! La réalisatrice Julie Ducournau en a bien conscience et son film, qui en plus nous plonge dans un enfer cannibale, vient enfoncer le clou du savoir-faire français en la matière qui ne demande qu’à s’exprimer. Car son film n’est pas simplement un film d’horreur, il en prend tous les codes et se les réapproprie pour créer une atmosphère lourde de sens, comme Danny Boyle avait pu le faire en son temps avec « 28 jours plus tard ». Dans « Grave » l’enfer, comme l’ensemble de la mise en scène de la réalisatrice joue en permanence sur les contrastes et sur les paradoxes. En effet l’héroïne est jeune, mignonne, parle avec une voix douce presque inaudible, on la sent fragile physiquement mais forte intellectuellement. Et son expérience va la transformer en sorte de prédateur avide de chair humaine.
Mais comme nous sommes dans une production française, le gore n’a pas sa place, du moins pas comme les américains peuvent l’entendre. Ici le gore c’est plutôt l’entourage, ce bizutage, qui va prendre des tournures un peu SM, cette jeune fille qui va perdre ses repères, et surtout son glissement lent mais assuré vers une sorte de folie animale. Il y a cette lente mais inévitable descente aux enfers dans laquelle la jeune héroïne ne se voit pas encore partir. Pire encore, elle ne voit plus rien de la réalité et vit dans une sorte de lente transformation qui la rend de plus en plus associable et l’éloigne même de son meilleur ami. Avec un soin particulier, la réalisatrice pose une mise en scène redoutablement efficace qui fait que chaque élément du décor est une pierre de plus dans l’édifice qui se monte devant nous.
Le scénario d’ailleurs, semble également ne rien laissé au hasard, puisque chaque réplique, chaque situation apparaît comme la pièce évidente d’un puzzle qui se monte au fur et à mesure que le film se déroule. On peut évidemment se sentir gêné par un scénario qui tisse une toile entre sensualité, sexualité et déviance, mais tout cela participe à une logique forte et évidente qui tire le film vers le haut et enfonce le clou de cette histoire horrifique dans laquelle chacun descend un peu plus dans une évidente rivière de chair et de sang. Et c’est toute la force de ce scénario que de ne jamais vouloir faire dans l’extraordinaire, mais au contraire d’utiliser l’ordinaire pour le rendre encore plus effrayant dès lors qu’il est dévié de sa trajectoire première.
Vient se rajouter à cela une distribution redoutablement efficace, à commencer par Garance Marillier que l’on verra dans le prochain film de la réalisatrice : « Junior », et qui, à n’en pas douter, se destine à une carrière remarquable de talent tant elle se laisse posséder avec une aisance rare par son personnage. Son physique fragile et doux est un contraste gagnant avec son personnage. Face à elle le jeune
Rabah Naït Oufella (Patients) impose une composition magnétique qui vient faire la balance avec l’ambiance morbide du film. Il est certainement le personnage le plus normal de toute la distribution.
En conclusion, « Grave » est un film d’horreur français qui a le mérite de ne pas chercher l’extraordinaire mais au contraire l’ordinaire pour le rendre inquiétant et entrainer le public dans un univers sombre et rouge, où l’héroïne se laisse glisser. La mise en scène est soignée, le scénario solide et l’interprétation talentueuse. A voir !