1988. Les temps sont durs pour Roy, petit gangster de la Nouvelle-Orléans. La maladie le ronge. Son boss lui tend un guet-apens auquel il échappe de justesse. Une seule issue : la fuite, en compagnie de Rocky, une jeune prostituée. Deux êtres que la vie n’a pas épargnés. En cavale vers la ville de Galveston, ils n’ont plus rien à perdre…
Mélanie Laurent s’est lancée dans une nouvelle aventure, celle de réaliser un film américain, sur un scénario assez sombre et violent de Jim Hammet, adaptation du roman de Nic Pizzolatto (celui derrière la seule et unique remarquable saison de la série « True Detective », la une). Une histoire qui suit la cavale d’un homme pourchassé par ceux qui ont voulu lui faire « la peau » et d’une prostituée qu’il croise sur sa route. Sombre et violent, voilà typiquement les deux mots que nous n’aurions pas associé à Mélanie Laurent, tant sa personnalité respire, le calme, la bienveillance et la subtilité. Pourtant, la réalisatrice va se révéler particulièrement inspirée, et faire preuve de subtilité dans sa mise en scène comme dans son découpage.
Soucieuse d’insuffler un état d’esprit, de garder une certaine pudeur autour de ces personnages et notamment de permettre au spectateur d’être plus proche d’eux, la réalisatrice n’a pas hésité à couper dans le scénario à retirer des répliques et à imposer des silences, afin de donner à son film une ambiance et une dynamique proche des grands films noirs américains. Et c’est une excellente idée, car le film se laisse porter par la couleur de ses personnages, sombres, sales dans une destinée qu’ils ont plus ou moins choisi, mais en gardant toujours une petite lueur d’espoir de pouvoir enfin s’en sortir dignement. Jamais dans la surenchère bavarde, souvent inévitable dans le film noir, « Galveston » brille par une volonté assumée de laisser de la place aux silences pour mieux appuyer cet enfermement intérieur que provoque la cavale, mais aussi ces distances qui existent entre chacun des personnages.
Précise dans ses mouvements de caméras, comme dans les chorégraphies qui viennent orchestrer les poursuites ou les fusillades, la réalisatrice impose un style et une vision pudique tout en étant en adéquation avec son sujet. Utilisant autant les décors de la Nouvelle Orléans comme du Texas. Avec u véritable sens du rythme et de la narration, Mélanie Laurent livre, ici, un film sombre et presque oppressant qui ne lâche plus le spectateur, y compris dans ces moments de flottement, notamment lorsque le héros se retrouve à faire face, seul, à la maladie qui le ronge. Avec une photographie très imprégnée de jaunes et de vert, le film dévore et capte l’auditoire pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin.
Et pour donner corps à ses personnages, la réalisatrice a pu compter sur deux acteurs impressionnant autant dans le jeu que dans les silences : Ben Foster, un habitué des grands espaces un peu poisseux avec des films comme « Comancheria » ou « Hostiles ». Et
Elle Fanning (Malefique) qui se construit une carrière tout en éclectisme. Pour Ben Foster, le rôle devait être confié à Matthias Schoenaerts (De Rouille et d’Os) dont le charisme imposant en faisait un candidat idéal, mais au final l’acteur s’est emparé de la place laissée vacante par le Belge et livre une composition remarquable et puissante. Quant à la jeune comédienne, elle ne cesse de nous surprendre, avec ici une composition risquée mais payante de prostituée, à la fois aux idées vengeresses et à la naïveté d’une jeune adulte.
E
n conclusion, la première incursion dans le cinéma américain en tant que réalisatrice de Mélanie Laurent est une véritable réussite, qui vous prend au ventre et ne vous lâche plus jusqu’à la fin. A voir, ne serait ce que pour la mise en scène subtile et les compositions remarquables des deux acteurs principaux : Ben Foster et Elle Fanning.