Dans la province du Gansu, au nord-ouest de la Chine, les ossements d’innombrables prisonniers morts de faim il y a plus de soixante ans, gisent dans le désert de Gobi. Qualifiés d’ultra-droitiers lors de la campagne anti-droitiers de 1957, ils sont morts dans les camps de rééducation de Jiabiangou et de Mingshui. Le film nous propose d’aller à la rencontre des survivants pour comprendre qui étaient ces inconnus, les malheurs qu’ils ont endurés, le destin qui fut le leur…
Difficile de parler de cette série documentaire sans une certaine émotion. D’abord parce que les témoignages recueillis dans les 3 parties qui forment cet ensemble, sont déchirants de sincérité et de pudeur. Les victimes de ces rafles antidroitières destinées à museler, par l’oppression une opposition possible à un régime qui se dit du « Peuple », mais ne fit que l’isoler du monde, ne parlent pas à grand renfort de superlatifs ou de grands gestes. Elles sont installées dans leur vieillesse et répondent simplement à des questions en décrivant un quotidien et une origine de ce qui brisa leur vie, pour toujours. L’émotion vient d’elle-même, elle traverse les mots, s’inscrit dans les maux que subirent ces personnes accusées, à tort ou à raison, là n’est même plus la question, de vouloir s’opposer au régime.
Avec une simplicité désarmante, les témoins nous parlent de ce quotidien injuste, difficile et où la jalousie, l’arrivisme et la trahison régnaient en maîtres absolus. Comment ne pas être touché par ces personnes à la longévité remarquables, survivantes d’une répression cruelle et sans limite, où les camps servaient à expurger ceux qui pouvaient déranger les uns ou les autres sans forcément s’opposer au destin d’une nation dont ils n’avaient plus de mots à dire et qu’ils aimaient tellement. Quelle que soient les véritables intentions qui les ont mis dans l’horreur des camps de Jianbiangou, Mingshui ou Xiantiandun, ces hommes et ces femmes subirent jusqu’à leurs descendances, le bannissement et l’oubli dans des camps de travaux forcés.
Au-delà des témoignages, le montage simple et sans effet de quelque sorte, laisse planer la force des mots et des situations, à l’image de l’enterrement de l’un des témoins qui ressemble à une longue procession, faite de douleur et de peine pour ceux qui suivent le cercueil, et trouve son apogée dans un discours déchirant du fils, qui a également subit cette mise à l’écart pour les faits supposés reprochés à son père. En une seule scène le réalisateur tire toute la puissance de son propos et fait se porter les yeux sur l’injustice que subirent une partie de la population Chinoise dans les années 50-60 et pratiquement jusque dans les années 80, lorsque les enfants se virent refuser certaines libertés ou certaines évolutions comme les portes de l’université, par exemple.
En conclusion, « Les Ames mortes » est une série documentaire en 3 parties qui nous plonge dans l’enfer de la répression communiste des années 50-60 et de l’horreur de ses camps de travaux forcés, où les supposés opposants aux régimes, travaillaient dans des conditions terribles, sans manger suffisamment. Certains mourraient d’épuisement, d’autres de faims. Quant aux survivants, ils gardèrent les stigmates de ces années d’enfermement arbitraire jusqu’à la fin de leurs jours. Volontairement ou non, le documentaire fait se parler les morts et les vivants qui vont les rejoindre. La mémoire de ceux sous terre est honorée par ceux qui, jusqu’à la fin de leur vie la gardèrent intacte.