D’après Je voudrais parler de Duras, entretiens de Yann Andréa avec Michèle Manceaux, éditions Pauvert / Fayard.
Compagnon de Marguerite Duras depuis deux ans, Yann Andréa éprouve le besoin de parler : sa relation passionnelle avec l’écrivaine ne lui laisse plus aucune liberté, il doit mettre les mots sur ce qui l’enchante et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair. Il va décrire, avec lucidité et sincérité, la complexité de son histoire, leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis, celles que les femmes endurent depuis des millénaires…
C’est à un choix bien audacieux que nous convie la réalisatrice Claire Simon. La réalisatrice de « Gare du Nord » (2013), a décidé de faire parler les absents en mettant en scène les interviews intégrales que Yann Andréa, le dernier amant de l’écrivaine, a donné en 1982 à Michèle Manceaux, une journaliste du journal Marie Claire et accessoirement voisine de Marguerite Duras. Dans ces entretiens. Le jeune homme se livre sur la passion’ sur sa torture et sur cette relation compliquée qu’il entretien avec Marguerite Duras. Une relation d’abord épistolaire puis petit à petit passionnelle pour finir par destructrice. Dans ces entretiens Yann Andrea dépeint une Marguerite Duras beaucoup plus complexe qu’il n’y parait.
Et c’est tout l’ambition du film de Claire Simon que de nous plonger dans l’intimité d’un couple sans jamais nous mettre dans une situation de voyeurisme. Précise dans ses intentions, elle l’est également dans ses choix de mise en scène. En plan serré sur la diction de Swann Arlaud (Petit Paysan) toujours impeccable dans un exercice de style pas du tout évident, dans lequel l’acteur récite un texte et lui donne toute l’intention nécessaire pour toucher au cœur, la réalisatrice capte le moment où l’acteur se laisse aller à la souffrance de son personnage. Dans les plans plus larges’ la réalisatrice soigne son cadre pour le rendre froid, distant ou « cocooning » pour mieux coller à la confidence du jeune homme.
Et alors que dans le livre, le personnage de Michèle Monceaux est plus effacée, pour ne pas dire invisible, la réalisatrice a décidé de la rendre plus présente, comme une sorte de guide qui va amener le jeune homme à aller dans des réflexions sur sa relation avec Duras. Et dans le même temps, comme pour mieux appuyer cette expérience hors du commun qu’elle souhaite nous faire vivre, Claire Simon ne fait pas de reconstitution à proprement parlé des moments décrits par Yann Andrea, elle intercale le dialogue de séquences un peu flous, libre d’interprétation pour le spectateur.
Pour conclure, « Vous ne désirez que moi » est une expérience cinématographique intéressante, passionnante qui permet aux acteurs comme aux spectateurs d’aller au plus loin possible dans cet échange avec un jeune amoureux d’un mythe et une journaliste qui souhaite mieux cerner ce mythe.
« Entretien avec Claire Simon et Swann Arlaud sur Ciné + ». La réalisatrice et l’acteur principal reviennent sur l’expérience hors du commun que fut cette adaptation des interviews de Yann Andréa.
« A propos des dessins : Entretien entre Claire Simon et Judith Fraggi ». Le film est entrecoupé de dessin illustrant les propos de l’amant de Duras.
« A propos de la Lumière : Entretien entre Claire Simon et Céline Bozon ». L’importance de la lumière dans un tel film méritait bien un focus.
Et enfin un diaporama des dessins de Judith Fraggi.