À Richelieu, ville industrielle du Québec, Ariane est embauchée dans une usine en tant que traductrice. Elle se rend rapidement compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. Tiraillée, elle entreprend à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes.
Voilà un sujet brulant ! Quel que soit le pays d’ailleurs ! Car nous aurions tort de croire que, dés lors que le film soit réalisé par un Canadien et qu’il se passe dans une des régions agricoles de ce second pays d’Amérique du Nord, le problème ne soit spécifique que dans cette partie du monde. Car les conditions de travail des travailleurs immigrés est, bien évidemment, un problème international et notre pays n’est pas dans les derniers à profiter de cette main d’œuvre à bas prix que l’on accueil pas forcément dans des conditions à la hauteur de ce que nous nous vantons comme étant des valeurs de respect de la condition humaine.
Ici, Pier-Philippe Chevigny, signe un premier scénario pour un premier long métrage, particulièrement fort sur la condition de travailler guatémaltèques à Richelieu, ville industrielle du Québec. Une ville que le réalisateur n’a pas choisi par hasard, puisqu’il trouve que cela peut faire référence à Riche Lieu, sorte d’Eldorado fantasmé par les travailleurs venus d’Amérique du Sud, dans le but de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Mais la réalité est tout autre car cela se fait aux prix de sacrifices, de serrages de dents et d’acceptation d’un certain chantage. Ce qui est surtout intéressant dans le scénario de Chevigny, c’est qu’il tente de montrer toutes les facettes de cette exploitation des travailleurs immigrés, notamment en exposant les pressions qui pèsent sur le responsable de l’entreprise, prit à la gorge par ses actionnaires, mais également par les autres travailleurs qui profitent également de leur ancienneté pour soutirer de l’argent à ses collègues.
Nous le voyons, donc, un scénario qui se veut le plus juste et le plus nuancé possible. Et d’ailleurs la mise en Pier-Philippe Chevigny, va totalement dans ce sens. Car, là où certains réalisateurs n’hésiteraient pas, lui, ne va jamais chercher de la violence dans ses plans, il se contente de laisser parler les actes et la violence passive des coups bas, comme les caméras installées dans les baraquements des travailleurs, contre les règles de l’intimité, ou encore le chantage quotidien : « Tu bosses ou tu es remplacé ! ». Pas un moment où chacun n’est pas soumis à un chantage ou à une pression, le tout étant dirigé par le seul qui ne soit victime d’aucune pression de cette sorte : Le donneur d’ordre !
Et pour incarner tout ces personnages et donner corps à son histoire, le réalisateur peut compter sur la prestation toujours aussi précise et impressionnante de Marc-André Gondrin (Le Successeur). L’acteur est brillant de précision et de nuances dans un personnage plus complexe qu’il n’y parait et qui prend toute sa fragilité au détour d’une réplique. Face à lui, Ariane Castellanos (Vampire humaniste cherche Suicidaire consentant) campe une jeune femme, elle aussi sous pression, avec beaucoup de justesse et de minutie, dans une prestation beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Et puis, bien sûr, il y a Nelson Coronado (Crépuscule pour un tueur), touchant dans un rôle tout en retenue, qui lui aura value le Prix Ecrans Canadiens pour le Meilleur Second Rôle, lors de son édition 2024.