Coffret Fritz Lang : M le maudit & Le testament du docteur Mabuse

L'Histoire

 

M le maudit

 

Nous sommes à Berlin dans les années 30, toute la ville vit dans la terreur d’un mystérieux meurtrier qui s’attaque aux petites filles. Celles-ci sont enlevées sur le chemin de l’école, avant d’être retrouvées, sauvagement massacrées, dans les parcs de ville, quelques jours plus tard.

 

Devant l’impuissance de la police, la tension monte parmi la population et tout le monde soupçonne tout le monde. Les forces de l’ordre tentent de trouver une piste en écumant les bas-fonds de la ville et en arrêtant des camions entiers de petits délinquants.

 

Ne pouvant plus faire leur « travail » correctement, les syndicats du crime décident de se lancer à leur tour à la recherche du répugnant assassin…

 

Le testament du Docteur Mabuse

 

Renvoyé des forces de police allemande, Hofmeister essaie de se racheter auprès du commissaire Lohmann. Mais avant qu'il puisse lui dévoiler le nom du cerveau qui se cache derrière une histoire de faux billets, il sombre mystérieusement dans la folie.

 

Il est alors interné dans un hôpital psychiatrique, où le médecin-chef considère qu'il n'y a plus rien à en tirer. Mais le même établissement accueille aussi le fameux Dr Mabuse, qui a également basculé dans la folie lors de son arrestation dix ans plus tôt…

 

Fritz Lang et la période allemande

 

« M le maudit » est le film préféré de Fritz Lang. C'est également son premier film parlant, dont le sujet est inspiré d'un tueur en série appelé « le vampire de Düsseldorf », qui avait sévi en Allemagne en 1930. Reflet de l'Allemagne des années 30, ce film magistral est considéré par beaucoup comme un annonciateur de la montée du nazisme.

 

Ce film a également permis de découvrir le grand talent de Peter Lorre, un jeune acteur découvert par Berthold Brecht, qui émigra par la suite aux États-Unis et apparaîtra dans de très nombreux films dont « Casablanca » ou « le faucon maltais ».

 

C'est en 1933, que Fritz Lang réalise son dernier film en Allemagne avec « le testament du Dr Mabuse ». Le réalisateur profite de ce film pour placer dans la bouche des criminels fous des slogans nazis. Cela vaudra au film d'être interdit par Goebbels. Après la sortie avortée du film, Fritz Lang sera malgré tout convoqué par ce même Goebbel, chargé par Hitler de lui confier la direction du cinéma allemand. Le nazi lui déclarera même : « le Führer a vu votre film Metropolis et a dit : voici l'homme qui créera le cinéma national-socialiste ».

 

À la suite de cette déclaration, Fritz Lang, dont la mère était juive, quittera l'Allemagne en juillet 1933 pour Paris puis pour un exil aux États-Unis. Par contre, sa femme, Thea von Harbou, scénariste de « M le maudit », restera en Allemagne et adhérera même au parti nazi.

 

À propos de « M le maudit », Fritz Lang a déclaré : « je ne m'intéresse pas seulement à la découverte de ce qui pousse un être humain à un crime aussi horrible que l'infanticide, mais aussi au pour et au contre de la peine de mort. Mais le message du film n'est pas la condamnation de l'assassin. C'est l'avertissement aux mères : « il faudra mieux surveiller les petites ». Cet accent humain tenait particulièrement au coeur de ma femme, la scénariste de Théa von Harbou. »

 

Concernant le « testament du Dr Mabuse », Fritz Lang indique : « Ce film voulait montrer, comme une parabole, les méthodes terroristes de Hitler. Les slogans et les credo du IIIème Reich étaient placés dans la bouche de criminels. Je comptais aussi dénoncer les doctrines qui dissimulaient l'intention de détruire tous ceux qui tenaient au coeur du peuple. »

 

Critique subjective

 

Etonnant de modernité par sa mise en scène, tout en transpirant le film "d’avant guerre" par les décors filmés de façon trop évidente en studio, « M le maudit » ne trahit pas sa réputation de monument du septième art. Fritz Lang y a tout inventé et modernisé : travellings, plongés, contre plongés et autres spécificités techniques sont utilisées avec brio et servent à merveille la mise en scène.

 

«  Le testament du Dr Mabuse » reste quant à lui un film étonnamment lucide sur son époque. Fritz Lang y démontre qu'il a parfaitement compris où voulait en venir les nazis, sans pour autant sacrifier dans son film l'aspect haletant de la trame policière.

 

Malgré le noir et blanc et la bande son originale imposée, on reste sans voix devant l’immense talent du réalisateur de « Métropolis », qui nous présente ici exactement ce qui doit être fait pour faire un bon film policier. Souvent copié et très rarement égalé, Fritz Lang nous démontre que 70 ans après, ses réalisations restent des fondements indéboulonnables du cinéma. Ce dont feraient bien de s’inspirer de nombreux réalisateurs actuels qui pensent que lorsqu’on sait réaliser un clip vidéo, on sait faire un film !

Les deux films présentés ici bénéficient d'une image qui a été superbement restaurée. L'ensemble est propre, avec un très bon contraste, une photo de détaillée et une excellente définition générale. Le résultat est proprement étonnant lorsque l'on connaît les vicissitudes ont vécues les bobines des films au cours des 70 dernières années.

 

On note malgré tout, de temps à autre, de très légères bandes verticales et quelques taches qui sont pratiquement estompées par le travail de restauration effectué sur l'image. On verra aussi de temps à autre, de légères variations de luminosité, surtout perceptibles dans les zones claires. Mais la qualité générale reste tout de même excellente et met parfaitement en valeur ces chefs-d'oeuvre du cinéma.

Premiers films parlant de Fritz Lang, ces films ont été tournés sans le son, qui a été rajouté par la suite au moment du montage et du mixage. La version présentée ici est en Dolby Digital 1.0 mono allemande, sous-titrées en français. Les sous-titres ne peuvent pas être désactivés.

 

Le travail sur cette bande son était beaucoup plus difficile que le travail sur l'image, du fait même des méthodes de montage de l'époque qui ont tendance à entraîner des variations de niveau sonore difficile à corriger. On remarquera ainsi un léger souffle et une sorte d'écho lors des scènes de rue, qui indique bien qu'elles ont été enregistrées en studio. Le spectre sonore à tendance à privilégier les aigus et certaines scènes du film sont totalement silencieuses, comme cette descente de police à la 20e minute du film, ce qui est assez perturbant.

 

Malgré tous ces défauts, le film reste largement compréhensible grâce à l'excellente diction des acteurs et à une dynamique satisfaisante. Ainsi, si vous avez quelques notions d'allemand, vous vous surprendrez rapidement à ne plus lire les sous-titres, tant les dialogues sont claires et faciles à comprendre.

Pour présenter ces deux chefs-d'oeuvre du septième art, L'éditeur Opening et le distributeur GCTHV nous présentent un écrin à la hauteur : un superbe coffret cartonné contenant un DVD pour chaque film accompagné d'un DVD de bonus. Un petit livret très intéressant, contenant une biographie de Fritz Lang ainsi qu'une filmographie exhaustive, complète ce coffret.

 

Le DVD de bonus contient les éléments suivants :

 

Documentaire : Fritz Lang, le cercle du destin – 55 minutes (couleur)

 

Ce documentaire est une biographie du réalisateur, lié à l’histoire de l’Allemagne et à l’avènement du cinéma. Le documentaire alterne les interviews de proches et les images d’archives. Il permet de mieux cerner le personnage qui a été le maître d’Hitchcock ou de Buñuel, ainsi que son immense génie.

 

Analyse image par image de « M le maudit » - 42 minutes

 

Emission coproduite par la cinémathèque française et la sept, il s’agit d’une analyse de chaque plan du film par Jean Douchet, Makiko Suzuki et R.R. Jaganathen. Cette analyse soulève à la fois les problèmes d’interprétation du discours de Fritz Lang, l’antinomie coupable/innocent et la notion de jugement, et explique les techniques cinématographiques utilisées.

 

Extrêmement intéressant, ce documentaire est également un cours de cinéma qui pourra même être profitable  à un cinéaste amateur. Rien ne nous empèche, en effet, de reprendre un certains nombres de « trucs » du grand maître Fritz Lang.

 

Conversation avec Noel Simsolo (Historien du cinéma) et Alfred Eibel (journaliste et écrivain)

« M le maudit » - 48 minutes et « Le testament du docteur Mabuse » - 40 minutes

 

Ces entretiens, parfois un peu décousus, sont des commentaires sur les images du film qui mettent en évidence la technique, rapportée au style artistique de Fritz Lang. Bien qu’étant souvent intéressants, on regrette le manque d’unité de l’ensemble.

 

Les décors de Emil Hasler

 

Un montage replace les images des films par rapport aux dessins des décors, réalisés par Emil Hasler. Il est intéressant de constater de quelle façon les décors sont utilisés par la caméra de Fritz Lang dans ces différentes séquences. Pour chaque séquence, il est possible de revoir la partie du film en plein écran.

 

Cet ensemble de documentaires est vraiment très enrichissant, tant au niveau de la culture cinématographique que pour son aspect historique. Après le visionnage de ces séquences on ne regarde plus le cinéma de la même manière. Cela vous donnera peut-être aussi envie de vous rendre au très beau Musée du Cinéma, au Trocadéro, à Paris.