L'histoire :
Les habitants de Whangara, un petit village Maori, sur la côte Est de la Nouvelle Zélande, se réclament tous du même ancêtre :
Paikea, le légendaire "Whale Rider" qui y débarqua mille ans plus tôt, juché sur le dos d'une baleine. A chaque nouvelle génération, un descendant mâle du Chef reçoit ce titre qui fait de lui le leader et le gardien spirituel de sa petite communauté. A douze ans,
Paï(
Keisha Castle-Hughes), petite fille du Chef
Koro est, est une adolescente douée, sensible et volontaire. Depuis la mort de son frère jumeau, elle est aussi la seule à pouvoir assurer ce rôle "viril", si prestigieux. Mais
Koro (
Rawiri Paratene), gardien d'une tradition millénaire, refuse de voir en
Paï son héritière : aucune fille n'a jamais été et ne sera jamais "Whale Rider" ... Tandis que
Koro recrute dans le village des garçons pour les initier aux coutumes ancestrales et sélectionner le plus digne pour en faire un leader,
Paï entame un long et courageux combat pour se faire reconnaître et donner enfin à la légende du "Whale Rider" sa première héroïne.
La critique :
Après le court métrage Sure to Rise (1994) puis le drame Memory & desire (1997), la jeune réalisatrice néo zélandaise Niki Caro nous plonge dans la culture Maori avec Paï- Whale Rider, d'après une nouvelle de Witi Ihimaera. Autant par conviction que par nécessité (film à petit budget), elle s'est attachée les services de comédiens et de figurants compatriotes. Mais le film ne pouvait exister sans avoir au préalable sélectionné l'interprète idéale du rôle de Paï, tant ce personnage cristallise les émotions : Keisha Castle-Hughes. Il faut préciser que la directrice de casting récidive dans son bon choix après avoir recruté Anna Paquin pour La leçon de piano.
Les premiers instants du film sont très chargés dramatiquement. La naissance de Paï et, au même moment, la disparition de son frère jumeau et de sa mère préfigurent les tensions qui opposeront la jeune fille et son père Porounrangi (Cliff Curtis), à Koro, gardien des traditions. Le scénario va à l'essentiel, sans se perdre dans d'interminables méandres, il distille au moment opportun l'information nécessaire à la compréhension du film. Dans sa réalisation, Niki Caro suit le même chemin, celui de la sobriété, sans pour autant négliger deux points essentiels : la photo et la bande originale. A ce propos, il faut souligner l'excellent travail de Lisa Gerrard (BO The Insider, Gladiator, Duality ...) avec une utilisation des voix et des instruments traditionnels qui subliment littéralement sa composition et, par-delà, le film.
Les autres acteurs du casting, par leur choix et leur interprétation, concourent à rendre cette communauté crédible mais aussi attachante. Rawiri Paratene campe magistralement un Koro aussi fier que déterminé. Certains diront qu'il est machiste, mais ce terme ne peut avoir la même signification quand il s'applique à des comportements hérités de traditions millénaires. Son visage impassible, ses accès de colère, sa fierté de Chef sont contrebalancés par l'émotion perceptible au fond de son regard et, même si les mots ne fusent pas, il est profondément humain. D'ailleurs, l'essentiel de la problématique du film réside dans cette notion de dualité : les légendes et traditions s'opposent à la modernité, un père et sa fille s'opposent à un grand-père, une jeune fille rejette la société trop masculine qu'on lui impose, la prise en main de sa propre vie en regard avec l'appartenance à une communauté ... La grande force de ce film réside dans le fait qu'il touchera tout le monde, bien au-delà de l'Océanie, par l'universalité des messages véhiculés et la grande palette des émotions qu'il soulève. Loin du lyrisme commercialement formaté, les scènes de la chevauchée de la baleine et de la mise à l'eau du Waka (canoë) ne peuvent laisser indifférent et s'insèrent dans une oeuvre aussi mature qu'aboutie.
En conclusion :
Souvent nominée et parfois récompensée, cette oeuvre a ému le public. Sa sincérité est troublante, tout autant que sa jeune héroïne féminine qui bénéficie d'une réalisation et d'un scénario tout aussi remarquables. On ne peut alors résister à l'envie de faire un parallèle avec
Atanarjuat, un autre film poignant, et conclure qu'en dépit des légendes, des traditions, des peuples et des zones géographiques, l'homme recèle d'incroyables richesses comme les héros de ces films qui pointent leur doigt dessus ... et, en quelque sorte, nous ouvrent les yeux !