L'histoire :
Kidnappé et retrouvé dans une demeure supposée hantée, l’informaticien Manson Ma est interrogé par l’inspecteur Pit dans les locaux de la police de Hong Kong. Très vite, la femme de Manson confie que son époux, la veille de son enlèvement, semblait avoir un comportement anormalement agressif. Que s’est-il réellement passé ?
Critique subjective :
Le réalisateur Ringo Lam a marqué l’histoire du polar Hongkongais par son pessimisme, son refus de tout compromis esthétique et une violence réaliste. Cette description fait inévitablement penser au John Woo des premières heures dont une balle dans la tête et d’une certaine manière Les Larmes d’un héros (mais sans les scènes rajoutées par la production) cherchaient à atteindre une violence réaliste. Il s’est imposé à Hong Kong avec la série dite des On Fire avec City on fire (1997) qui réunit
Show Yun Fat, son acteur fétiche et Dany Lee que
John Woo avait aussi choisit pour tourner dans The Killer (1989). Avec School on fire (1988) et Prison on fire 1 & 2 (1987 et 1991) il introduit une dimension sociale au genre à l’instar de la chronique sociale introduite par Wilson Yi dans
Bullets over summer (1999) dix ans plus tard.
Victim est un thriller qui clôt la fausse trilogie Full Alert(1997), The Suspect (1998) et The victim (1999). Ces trois polars sont réalisés à la fin des années 90 alors que le polar Hong-Kongais s’essouffle et que plusieurs réalisateurs Hongkongais partent tenter leur chance à Hollywood. Peu de temps après The victim, Ringo Lam réalise Risque Maximum (1999) avec
Jean-Claude Van Damme qu’il dirige à nouveau dans Replicant(2001) puis
In hell (2003).
Pour The victim, Ringo Lam confronte Tony Leung Ka-Fai à Lau Ching Wan. Tony Leung Ka-Fai a joué dans un certains nombre de films de qualité dont
Gunmen (1989) de
Kirk Wong et le syndicat du crime 3 de
Tsui Hark ou dans l’Amant (1991) de
Jean-Jacques Annaud qui le fait connaître au niveau international. Un film marquant qui révèle le talent d’un comédien prometteur. Il joue ensuite dans le loufoque
La rose noire (1992) et on le remarque ensuite dans
Flying Dagger (1993) ou
Double vision (2002). Il passe ainsi avec aisance d’un registre à l’autre, flirtant autant avec la comédie que le Wu Xia Pian avec
Wong Kar-Wai dans Les cendres du temps (1989) où il joue aux côté de
Tony Leung Chiu-Wai.Lau Ching Wan présente une filmographie impressionnante riche de plus de 70 films tournés de 1986 à nos jours.
Il s'affirme comme le digne successeur de Chow Yun Fat en particulier depuis que ce dernier est parti pour Hollywood, laissant ainsi la place libre. Il incarne avec aisance des hommes ordinaires, des policiers notamment qui tentent de faire leur devoir, mais qui sont plongés dans des situations périlleuses comme dans
Big Bullet (1996) ou
Running out of time (1999). Ceci explique peut-être la raison pour laquelle il a été choisit par Ringo Lam pour faire face à
Tony Leung Ka-Fai.
L’alchimie entre le polar et le film d’angoisse permet à Ringo Lam de redéfinir la topologie du polar qui s’écarte ainsi des sentiers très balisés de ce genre un peu comme Bullets over summer qui y introduit la chronique sociale. Le film démarre habillement sur un accident impressionnant durant lequel un gardien se fait écraser par un fourgon et un kidnapping mystérieux. On se retrouve très vite plonger dans un film noir où même l’acteur
Tony Leung Ka-Fai, habituellement plutôt sympathique voir joyeux, incarne un inspecteur grognon, très sérieux et bouffé par son travail.
Très vite la recherche de l’informaticien Manson Ma prend une étrange tournure puisque l’on retrouve sa trace dans un hôtel réputé hanté et on l’y retrouve pendu à une chaîne par les pieds. Ringo Lam s’emploi durant l’enquête à entretenir une ambiguïté entre des évènements d’ordre rationnel et la possibilité de l’existence de forces paranormales autour de cette affaire.
L’informaticien Manson est incarné par Lau Ching Wan qui a créé un personnage tout aussi ambigu que le principe de ce film. Ce personnage est construit comme un mixe d’un personnage possédé et psychologiquement instable. La mise en scène accentue l’étrangeté de son comportement en montrant peu son visage lors de sa détention au commissariat après qu’il ait été retrouvé dans l’hôtel. Certains sons d’animaux se manifestent des qu’il parle afin de créer autour de lui une ambiance inhabituelle.
En fait au-delà de l’ambiguïté servit par ce personnage, sa folie que l’on découvre petit à petit correspond parfaitement aux comportements étranges que de nombreuses personnes avaient eu à Hong Kong suite au krachs boursiers de 1997. De nombreuses personnes avaient fait faillite ce qui les avaient conduit à adopter des conduites étranges ou extrêmes.
La dimension surnaturelle de l’histoire semble parasiter le tournage de la dernière scène de nuit qui a été perturbé par des évènements imprévus. Cette scène finale a du être retournée trois fois et un personnage qui ne figurait dans le film que sur une photographie a suffisamment marqué le tournage pour que l’équipe de tournage ait amené le réalisateur à décider de le faire réapparaître à la fin du film.
Verdict :
Ringo Lam nous livre un thriller assez captivant en faisant un crossover entre le polar et le film d’angoisse. Victim met aussi en scène Tony Leung Ka-Fai et Lau Ching Wan, deux acteurs majeurs face-à-face dans une histoire aussi sordide qu’étrange. Un thriller qui peut aisément inspirer d’autres projets de réalisations innovantes. Le film vaut aussi pour la prestation des deux acteurs et de Amy Kwok, la compagne de Lau Ching Wan dans ce film comme à la vie.