L’Histoire : Irlande du Nord. La ville d’Omagh. Samedi 15 août 1998, 15h10. Une bombe déposée par le REAL IRA (groupe dissident de l’IRA opposé au processus de paix) tue 29 personnes, dont le fils de Michael Gallagher. Un mois plus tard, les investigations menées n’ont toujours rien donné. Michael se rend à une réunion du Comité de soutien pour les victimes, il en devient le président. L’enquête peut commencer…
Accepter la perte d’un être cher. Ecrit et produit par
Paul Greengrass, le réalisateur de
Bloody Sunday,
Omagh s’intéresse aux suites d’un attentat. Alors que dans le premier on suivait les raisons qui mènent à des actes tragiques, ici ce qui compte c’est ce qui se passe après. Il n’est pas question uniquement d’enquête, de recherche de la vérité ou de dénonciation du silence coupable des institutions. Il s’agit aussi de faire le deuil, d’accepter la perte d’un être cher. Comme à travers cette question, toute simple et toute bête, que se posent les personnages, à un moment donné ; quand peut-on de nouveau rire ?
Le combat contre l’impunité des auteurs de l’attentat, pour la révélation des négligences des différents services de renseignement et leurs tentatives pour couvrir celles-ci, va permettre à Michael Gallagher (
Gerard McSorley) de revivre, d’accepter petit à petit la mort de son fils. Comme pour les autres membres du comité de soutien, ce combat va s’apparenter à une forme de thérapie.
Une lutte contre l’oubli. Les membres du comité de soutien ne vont pas seulement se battre pour faire le deuil. Ils vont chercher aussi à trouver la vérité. Cette vérité que les autorités sont incapables de leur donner ou ne veulent pas leur révéler. Malgré un processus de paix qui pourrait être menacé par leurs investigations, ils ne veulent pas que les disparus d’Omagh soient oubliés. D’ailleurs, comment est-il possible de construire quelque chose de solide si les erreurs du passé sont oubliées et si on feint de faire comme si rien n’était arrivé ?
Et le film prend soin d’éviter tout manichéisme partisan, qui réduirait considérablement l’impact du film. Il n’est pas question, non plus de politique. L’important n’est pas le conflit qui se déroule, ou on l’espère se déroulait, en Irlande du Nord. Le sujet est un attentat. Mais celui-ci aurait pu se dérouler n’importe où, ce qui donne au film une portée universelle. La recherche de ce qui est arrivé, et comment, est un devoir de mémoire pour le respect et le salut des victimes. Le but n’est pas de raviver la haine chez ceux qui étaient pris pour cibles, mais de rendre un dernier hommage au fils, au père, à la sœur, à l’ami disparus…
Un film coup de poing. Signant pourtant son premier film,
Pete Travis réalise une œuvre puissante et révélant de sérieuses dispositions pour la mise en scène. Il a choisi de tourner caméra à l’épaule, en n’utilisant qu’un seul filtre, pour donner un style documentaire, proche de celui de
Bloody Sunday. Les scènes précédant l’attentat, la séquence où Michael recherche son fils sont tout simplement impressionnantes (il faut aussi mentionner ici l’excellent travail de
Clive Barett, le monteur). Il choisit de rester au plus près de ses acteurs, évitant tout effet de dramatisation. Ce qui compte, ce sont les évènements. Une réalisation plus démonstrative, plus spectaculaire, aurait nui au film.
Pete Travis saisit littéralement le spectateur à la gorge, le tient en haleine pendant une grande partie du film, malgré une petite baisse d’intensité à l’approche du dénouement, vite oubliée au regard de la qualité d’ensemble de l’œuvre.
Omagh prend le spectateur par les tripes, non seulement par la qualité de la réalisation mais également grâce à la prestation des acteurs, tous excellents de justesse, avec à leur tête
Gerard McSorley. Cet acteur, jusque là habitué aux seconds rôles, notamment dans
Veronica Guerin de
Joel Schumacher (2002) ou
The Boxer de
Jim Sheridan (1997), et originaire d’Omagh, livre une prestation ahurissante, tout en intériorité. Il donne une telle force et une telle intensité à son personnage que l'on ressent parfaitement sa détresse, son incompréhension devant ce qui lui arrive ; à tel point qu’il est très difficile de ne pas se mettre à sa place ou de rester insensible à ce qui lui arrive.
Devant l’épidémie de films larmoyants, jouant la surenchère émotionnelle, quant il s’agit de sujets proches à ce qui est arrivé dans cette petite ville d’Irlande du Nord, un samedi après-midi,
Omagh ferait presque figure de modèle du genre. En tout cas, il est vivement conseillé de ne pas passer à côté.