L'histoire :
Chef de triade vieillissant, Jim Yam a passé toute son existence à affirmer son emprise sur le quartier de Jiang Hu. Mais sa vie bascule lorsqu’il apprend qu’un contrat a été placé sur sa tête. Devenu la cible d’un tueur mystérieux, Jim Yam n’a que quelques heures pour déjouer le complot et découvrir qui veut sa mort. Dès lors il ça se méfier de tout et de tous.
Critique artistique :
L’univers des triades hongkongaises a inspiré un grand nombre de films depuis les années 80 (voir
As tear Go by (1988) de
Wong kar-wai qui inscrit son histoire dans les triades de Kowloon) et en particulier depuis la série des Young and Dangerous commencée en 1996 à l’initiative de Andrew Lau, le même qui signera quelques temps après Les Infernal Affairs (2000-2003), aujourd’hui adapté par le cinéma hollywoodien avec le remake intitulé Les infiltrés et signé Martin Scorsese. Quelques temps avant le départ du train infernal de la série Young and Dangerous, il faut noter qu’une partie du noyau dur du film Mean Street Story (1995) composé de
Andrew Lau (crédité sous le nom de Wai Keung Lau) à la réalisation,
Ekin Cheng en premier rôle et Wong Jing à la production et au script était déjà lancé sur la piste des triades et avait pu lancer sur les rails l’univers des Young and Dangerous. Grâce à cette franchise de 7 films et à une domination du box-office d’une demie douzaine d’années, le film de triade devient un genre à part entière que Dante Lam décidera de prendre à contre-pied en réalisant Jiang Hu The triad Zone en 2000. D’un point de vue historique on pourrait considérer que les films consacrés à des organisations mafieuses existaient et prennent leurs sources en particulier dans les films de Wu Xia Pian comme certains de ceux produit par la Shaw Brothers tel que
Vengeance (1970) de
Chang Cheh. A propos de l’économie du film de triade, le réalisateur a conscience que pour conserver le marché chinois qui représente 50% du marché Hongkongais, les films de Jiang Hiu ne doivent pas être trop nombreux car les investisseurs, à 70 % chinois sont confus ce qui rend difficile la production pour ce marché.
Avant de signer Jiang Hu The Triad Zone (le film devait s’intituler Jiang Hu mais le titre était déjà attribué) Dante Lam a réalisé différents films d’actions musclés dont Beasts Cops (1998) coréalisé avec
Gordon Chan ou G4 : Option Zero (1997). Pour The Triad Zone dont le réalisateur dit lui-même qu’il laisse parfois à désirer car ce film n’est pas un chef-d’œuvre, Date Lam profite de la présence de personnalités du cinéma hongkongais et du genre dans une distribution d’où émergent
Tony Leung Ka-fai (
Gunmen (1989), Le syndicat du crime 3, L’amant,
Victim (1999) ),
Anthony Wong Chau-sang (
The Mission (2001), Time and Tide (2001)),
Roy Cheung (
High Voltage (1995),
The mission (2001), Infernal Affairs 2 (2003)) ou Sandra Ng (Men suddenly in black (2003)). Le personnage campé par
Anthony Wong Chau-sang ordinairement cantonné aux personnages de flics ou de voyou est celui avec qui le film bascule définitivement dans un à côté du genre, dynamité par son apparition en Dieu Guan (Guan Di est particulièrement populaire à Hong-Kong comme dieu de la guerre, des hommes d’affaires et des policiers) paré d’un costume d’opérette, le visage peinturluré en rouge. Tony Leung Ka-Fai a joué dans un grand nombre de films de triade, des comédies (
La rose noire (1992) ou
Flying Dagger (1993)), flirtant autant avec la comédie que le Wu Xia Pian (Les cendres du temps (1989)).
Cependant après s’être plaint de ne jouer que des rôles de mafieux
Tony Leung Ka-Fai a été mis en quarantaine par le cinéma hongkongais pendant une dizaine d’années comme l’explique Jean-Pierre Dionnet dans la présentation. On le voit ici dans un rôle déjanté aux côtés de Sandra Ng avec laquelle il donne vie à un chef de Triade haut en couleurs qui serait inspiré d’un artiste des années 70 qui aimait se donner en spectacle. Bien que le nom de cet artiste ait été censuré par Dante Lam dans les bonus, on veut bien croire que cette inspiration vient d’un personnage un tantinet cabotin et exhibitionniste. Jim Yam est une sorte de grande gueule, plutôt classieux, ne consacrant pas plus de 10 % de son temps à sa femme et sa maîtresse. Son épouse est une ex-punk qu’il a rencontré alors qu’il n’était qu’un gagne-petit et est une sorte de petit dragon. The Triad Zone s’avère un peu brouillon mais le mélange des genres et une certaine inventivité en font un film assez réjouissant où se succèdent des scènes survoltées et parfois hallucinantes mais souvent comiques comme celles où Jim Yam et plusieurs de ses hommes se protègent d’un snipper sous une voiture. On trouve aussi des détails assez cocasses comme quand on apprend quel le gilet pare-balles de Jim Yam est signé Versace ou quand son garde du corps, grande armoire à glace avoue éprouver certains sentiments pour son chef.
Comme dans
Killer(2000) (et d’une certaine manière le film coréen,
Ma femme est un gangster (2001)), on découvre la vie intime et sociale des Triades à travers un groupe restreint en même temps que les contraintes spécifiques de leur mode de vie.
Killer et The triad Zone partagent d’ailleurs une scène de viol de l’épouse d’un des membres du groupe par un autre clan mais que Jiang Hu the Triad Zone (2000) traite plutôt sur le ton de la comédie. Dans Killer cette scène du viol de la femme de Mante et la revanche des frères d’armes de Mante aurait pu devenir encore plus sordide que celle où les deux héros de
As tears go by (1988) de
Wong Kar-wai se font passer à tabac et il faut le dire pratiquement violer (bien que l’on en voit moins la scène est déjà assez rude). Les scénaristes ont sans doute voulu rester dans les limites de l’acceptable afin que le film ne soit pas plus violent que son sujet ne le laisse penser ; un pas que
Johnnie To (
Breaking news,
Running on karma) n’hésite pas à franchir avec son diptyque sur les triades,
Election (2005),
Election 2 (2006) dans lesquels le réalisateur décrit le mode d'organisation qu'il suggère proche de celle des société de singes comme à la fin du premier volet Election. On plonge au cœur de la vie de la triade, plus avant dans les nouveaux territoires du cinéma hongkongais.
Verdict :
The Triad Zone est un énième film sur les triades mais qui prend le genre à contre-pied en livrant une comédie où se succèdent fusillades, bagarres et disputes conjugales. Le réalisateur Dante Lam utilise un ton ironique et humoristique pour dépeindre un monde sauvage et violent dont les représentants apparaissent plus sympathiques et touchants, devenant parfois pathétiques. Un film où Tony Leung Ka-Fai explose à l’écran dont il occupe l’espace de son charisme et sa gouaille.