Le cauchemar de Darwin

L’histoire :

Derrière la pêche dans le lac Victoria (Tanzanie) et ses apparences bénéfiques se dissimule une globalisation de l’économie dont les effets sont particulièrement pervers.

Critique subjective :

Si Le cauchemar de Darwin a bénéficié d’un excellent accueil critique et d’une fréquentation très honnête, c’est peut-être parce que son auteur Hubert Sauper inaugure une approche différente du film documentaire, beaucoup moins dirigiste vis-à-vis du spectateur. De façon fort habile, le métrage fonctionne sur le paradoxe pour le fond et sur la litote pour la forme.

Si l’on ne s’en tenait qu’aux apparences, la situation pourrait paraître idyllique, mais jugez plutôt. Plus grand lac tropical du monde, source du Nil et berceau de l’humanité, le lac Victoria apparaît comme un lieu prospère étant donné que la perche du Nil y est pêchée en masse pour être transformée en succulents filets dans plusieurs usines. Une fois découpés, ces derniers sont exportés en Europe par l’intermédiaire d’un véritable pont aérien.

En réalité, tout est bien différent. Introduite par l’homme dans les années soixante, la perche est un prédateur vorace qui a fait disparaître 210 espèces de poisson, anéantissant la chaîne écologique. Ce qui est bon pour l’économie est donc ici particulièrement préjudiciable à l’écosystème, le lac devenant stérile à cause de son nouvel occupant. Chaque jour, deux millions d’européens dégustent le poisson du lac Victoria tandis que, sur place, à Mwanza comme dans toute la Tanzanie, la famine fait rage et il est hors de question d’y consommer de la perche, son prix étant prohibitif. Si l’activité liée au précieux poisson a certes générer des emplois, la misère sévit sur place, entre prostitution, enfants des rues et virus du sida (remercions l’église qui, avec ses positions arriérées, contribue grandement à la propagation de ce fléau). Pour couronner le tout, les avions qui arrivent d’Europe pour venir chercher le poisson apportent des armes qui serviront à alimenter les différents conflits du continent africain (plus de 4 millions de victimes ces dernières années).

Formellement, le véritable tour de force du Cauchemar de Darwin est de jouer la carte de la litote visuelle, autrement dit de montrer le moins afin de suggérer le plus. Volontairement très en retrait, le cinéaste n’appuie jamais lourdement son propos (à l’opposé d’un certain ... Michael Moore par exemple ...) et part du postulat selon lequel le spectateur est suffisamment intelligent pour prendre lui-même conscience de la situation à partir des images projetées.

Verdict :

Foncièrement humaniste, Le cauchemar de Darwin fait froid dans le dos en « montrant » les pires travers d’une mondialisation sauvage qui fait passer l’argent avant toute chose. La démonstration est d’autant plus efficace que c’est le spectateur lui-même qui nourrit la réflexion, ne pouvant compter sur quelque chose de prémâché.

Une image que l’on peut supposer conforme aux desiderata du documentariste. Si les couleurs sont souvent assez sombres et le grain fort prononcé, cela est dû au support utilisé et non à un mauvais traitement de la part de l’éditeur. Rien à redire pour ce qui est de la compression.

Là encore, la qualité est tout à fait correcte pour un tel programme. L’ensemble est aussi clair que faire ce peut et fait montre d’une énergie honorable. Le rendu sonore global est donc satisfaisant pour un documentaire.

 

- Montrer sans rien dire petite rencontre avec Huber Sauper (30 minutes) : un supplément passionnant dans lequel le réalisateur, très honnête dans sa démarche, nous fait part des ambitions de son documentaire et nous relate les coulisses du tournage.

- Bande-annonce (2 minutes).