Charlie est un enfant de 10 ans, dont le destin est de croiser les vies d’adultes, en train de se déchirer.
En survolant le résumé, on serait tenté de dire que nous allons encore assister à un de ces films qui font que notre regard d’adulte "sûr de lui" change. Un film où les certitudes mal placées de parents que nous sommes, seraient mises en miroir par le regard étonnement conscient d’une réalisatrice proche de ses blessures d’enfance. Une histoire tragique sur la destinée inévitable d’êtres humains à la dérive, qui nous ramène à nos indéniables vérités. Dotée d’une réalisation parfaitement maîtrisée et d’un jeu de comédiens hors pairs, « Selon Charlie » serait une œuvre majeure sur la société moderne telle que nous la vivons de près ou de loin.
Alors bien sur, il y a du vrai, dans tout ça ! D’abord, le jeu des comédiens qui effectivement frôle la perfection, particulièrement concernant Jean-Pierre Bacri (Un air de Famille, On connait la chanson) et Benoît Poolvoerde (Podium, C'est arrivé près de chez vous), tous deux en hommes blessés et perdus, à la recherche constante d’un idéal les rendant plus stables, mais dont les évidentes faiblesses finissent toujours par ressortir. D’ailleurs tous les acteurs principaux nous offrent une composition saisissante de ces âmes en perditions, dans une vie qui ne leur sourie pas. Benoît Magimel (La vie est un long fleuve tranquille, Déjà mort), signe là l’une de ces meilleures compositions, jouant allègrement entre naïveté et blessure intérieure.
Côté scénario aussi, on peu parler de réussite, tant certaines répliques collent à la peau des personnages comme autant de pigments sur leurs membres usés. Poelvoorde n’est jamais aussi bon que lorsque les mots frôlent le comique pour mieux atteindre le pathétique, Bacri excelle en contradiction d’homme politique. Tout cela nuancé de silences qui renforcent un peu plus, l’image que ce jeune garçon garde de ces adultes à la dérive.
Et pourtant, tout ne fonctionne pas correctement ! A commencer par l’évidence : le titre du film « Selon Charlie », qui nous invite à croire que l’histoire tournerait autour du regard que le jeune garçon porterait sur les adultes qu’il côtoie. Ce qui n’est qu’une demi-vérité, puisque ces personnages se croisent, sans forcément s’approcher réellement.
Ensuite la réalisation beaucoup trop austère de la réalisatrice, qui a tendance a noyer dans l’obscurité le regard du spectateur. On connaissait le goût de Nicole Garcia , pour ces personnages sombres intérieurement, cachant inexorablement leurs blessures, de peur d’être découvert comme dans « L’adversaire », ou encore « Place Vendôme ». Mais cette fois-çi, la dose semble trop lourde pour être buvable. Même le regard de l’enfant finit par pâtir de la tristesse du regard des autres. Ensuite, si sa caméra caresse avec tendresse les regards où les corps des uns et des autres, elle semble sombrer dans une obscure léthargie contagieuse, qui vient finalement toucher, l’œil du spectateur.
On l’aura vite compris, « Selon Charlie » profite de brillantes idées, de talents indiscutables tant au niveau des acteurs, qu’à l’écriture du scénario, mais trop de tristesse nuit à la tristesse, et l’obscurité de la mise en scène autant que de l’histoire en elle-même, finit par rendre ce film à plusieurs reprises, indigeste. Certaines questions restent du même coup en suspend, laissant, pour le coup, le spectateur sur sa fin. Vivement le prochain Nicole Garcia.