Aristocrate Russe exilée à Shanghai, Sofia vend ses charmes dans un cabaret. Vieux et aveugle, Mr Jackson, ancien diplomate, rêve d’ouvrir son propre établissement. Leur rencontre est l’occasion pour chacun d’eux de changer le cours de leurs existences.
On le sait depuis bien longtemps déjà, James Ivory, filme comme personne, les failles de l’être humain. De la solitude à l’errance d’existence au bord de l’extinction, usée par les méandres d’un passé suffisamment lourd à porter et d’un présent aussi étouffant que pesant. Les personnages de « La Comtesse Blanche », n’échappent pas à la règle. Portant chacun leur part de blessures aussi béantes que douloureuses. Sofia qui ère dans cette nouvelle vie, où la seule espérance reste l’hypothétique retour dans un pays qu’ils ont fuit pour survivre. Mais la survie implique, l’errance, l’abandon au plus grand dénuement, les plus grands sacrifices. Un exil où les rats ont plus d’importance que le prestige des vies passées et l’opaque avenir qui se dessine au loin. Une nouvelle vie où le regard des autres blesse autant qu’une lame pénétrant en plein coeur, où les questions des enfants deviennent un miroir involontaire à la honte que l’on porte. Anna rêve de revanche, d’une vie meilleure, assume les paroles blessantes de sa propre famille qui juge pour ne pas admettre son échec, elle supporte les mains de ses hommes qui l’effleurent le temps d’une danse, d’une discussion, ou voir même plus, pourquoi pas, puisque l’amour propre a disparu, le corps n’est plus qu’un fardeau de honte à porter comme une guenille sur une souillon.
Jusqu’à ce qu’un homme, doux, fragile parce qu’handicapé, arrive et lui redonne le goût de l’espoir. Seulement cet homme qui semble avoir tout, traverse aussi la vie, comme une âme en peine, riche mais pauvre de tendresse. Rongé de remords, usé de souffrance morale autant que physique, refusant ce handicap, qui reste la preuve d’un passé douloureux. Poursuivant un rêve pour panser ses plaies, à la recherche des chimères qui apaiseront son cœur, Mr Jackson égrène ces rues dans l’obscurité de sa cécité tout en suivant une lumière qui semble vouloir l’apaiser. Une rencontre, une écoute, une attention, voilà ce que ces deux personnages attendent de la vie pour revivre enfin.
Magnifiquement interprété par Ralph Fiennes et Natasha Redgrave, « La comtesse Blanche » est un superbe drame, dans la lignée de Casablanca. Et même si l’on peut regretter une mise en scène un peu trop flémarde pour un réalisateur tel que James Ivory, l’ensemble fonctionne à merveille, et touche le cœur du spectateur. Mais il est vrai que le réalisateur semble s’être lui-même pris les pieds dans le tapis et n’avoir pas pu se relever, tant l’ensemble manque d’énergie à certain moment. Comme pour exemples les premières scènes de cabaret qui sans faire de comparaison avec le « Moulin Rouge » de Baz Luhrman qui magnifiait ces lieux de débauches et de plaisirs, semblent plus proche de soirées guindées et sans rythme que de celle qui animaient le cœur des hommes de Shanghai et d’ailleurs. James Ivory semble traîner la patte dans un lieu à l’ambiance survoltée et préférer plutôt la contemplation d’un couple qui s’unit pour faire vivre inconsciemment le rêve de l’autre.
Et c’est en cela que James Ivory réalise encore une belle performance, puisque les blessures des uns et des autres apparaissent plus arides que jamais, et l’on se prend facilement au jeux de celui qui versera, le premier, cette larme, preuve irréfutable que le but est atteint et que les scénaristes ont trouvés les mots qu’il fallait pour toucher le cœur des spectateurs et spectatrices.
En conclusion, une belle fresque romantique dans la lignée de Casablanca, mais qui souffre d’une certaine lenteur dans la narration et d’un certain manque de rythme lors de scènes à l’intérieur du cabaret. Malgré tout une œuvre dont James Ivory n’aura pas à rougir puisqu’elle parvient à toucher le cœur des spectateurs.