Herbie Hancock Future2Future live

Le DVD est tiré d'un concert donné à Los Angeles dans un club nommé Knitting Factory. L'endroit est bien agencé, avec une scène et une salle à échelle humaine. Un grand écran sert de décor: tout au long du spectacle, des images "high-tech" abstraites y seront projetées.
Cette prestation de Herbie Hancock intervient sur la base de son dernier album Future2Future (2002). Après pas mal d'explorations dans des genres musicaux aussi divers et variés que le hip-hop, le jazz-fusion, l'électro-pop et le disco, cet artiste "visionnaire" s'était orienté vers un jazz plus acoustique, plus "classique". Ce retour à l'électricité nous donne l'occasion de constater qu'il n'a rien perdu de son génie à faire cohabiter sa culture numérique avec ses bases de pianiste talentueux, sans oublier ses talents de compositeur.
Au travers des dix titres proposés (plus d'une heure et demie), c'est la richesse artistique qui prédomine, la technologie étant constamment mise en balance avec les longues improvisations. Le tour de force est bien là, mais on n'en attendait pas moins de la part de ce virtuose du piano. Par moment, l'ombre de Miles Davis, son mentor, plane dans la salle puis elle cède sa place aux souvenirs hip-hop des années 80 avec un Rockit et son célèbre vocoder.
On ne sait jamais ce qui va se passer, un titre démarre calmement, comme Butterfly par exemple, avant de s'emballer frénétiquement. A d'autres moments, la mélodie est bien installée quand Herbie engage un dialogue avec un autre membre du groupe, par le biais des instruments et de son talent d'improvisation. DJ Disk (Luis Quintanilla) vient compléter le tableau et insère ses scratch, avec bonheur, au milieu d'une équipe de musiciens à la pointure du maître. Le groove transpire, même si l'ensemble est un petit peu statique (comme les spectateurs du reste !) et les visages peu expressifs.
La mise en image est sobre et efficace, les plans sont variés, le montage privilégie de nombreux gros plans sur les mains des musiciens, c'est plutôt bien fait. Au passage, il faut noter un changement de couche assez brutal à la minute 62.
Future2Future est donc un vrai bonheur, servi par une technique plus que maîtrisée et une interactivité (avec 30 minutes de multiangle) qui donne à ce DVD une valeur ajoutée, si besoin en était.
Que reprocher à Herbie Hancock, une approche trop "expérimentale" ou "intello" du jazz ? Non, ou alors il faudrait revoir toute notre échelle de valeur et jeter les innombrables productions de nujazz ou d'acid-jazz qui garnissent nos étagères car il est incontestable que cet artiste est un précurseur et a inspiré des talents d'aujourd'hui : une valeur sûre en somme, comme ce DVD !
 

Track list :
1 - Wisdom (6min26)
2 - Kebero (9min55)
3 - This is DJ Disk (10min08)
4 - Dolphin Dance (21min33)
5 - Virtual Hornets (14min36)
6 - The Essence (6min57)
7 - Butterfly (5min55)
8 - Tony Williams (5min35)
9 - Rockit (5min01)
10 - Chameleon (17min55)

L'image est tout simplement superbe et contribue à vous plonger au coeur de la Knitting Factory. Le réalisateur a inséré de nombreux gros plans (mains des musiciens, platine vinyl etc ...) ce qui permet d'apprécier la parfaite restitution des détails grâce à une définition des plus poussées. Un autre bon point : le très réaliste rendu des textures de peau.

Trois formats audio disponibles : le Dolby Digital (2.0/5.1) et le DTS (5.1).
Donc, a priori, du choix mais il faudra rapidement oublier le 2.0 qui est manifestement raté : les fréquences basses sont beaucoup trop mises en avant et écrasent littéralement le reste de la bande son : essayez d'écouter, à fort niveau, ce style de musique correcteur physiologique (genre loudness) et vous comprendrez de quoi il en retourne.
En revanche, le 5.1 est très efficace, le traitement de la section audio par le Skywalker Ranch n'y est probablement pas étranger. Le DTS est très légèrement supérieur par une meilleure justesse des instruments, mais la différence est minime. Le mixage est un peu déroutant car les effets surround sont omniprésents mais surtout, par moments, le placement des voix ou des instruments est surprenant (par exemple sur le titre n° 8 lorsque la voix de Herbie Hancock est entièrement localisée sur les enceintes surround). Il faut néanmoins bien reconnaître que cette touche "artificielle" convient parfaitement au spectacle, elle sert la musique plus qu'elle ne la pénalise.

Les menus bénéficient d'un fond sonore et d'un semblant d'animation mais, malheureusement, leur dessin froid et quelconque n'a d'égal que l'illisibilité de la police de caractère "futuriste" utilisée. C'est d'autant plus regrettable que l'interactivité est riche, si la forme pêche, le fond est bien présent. Le menu général donne accès aux rubriques suivantes :

- Play video : lecture du concert, aucun commentaire.
- Select Song : choix de l'un des dix titres disponibles. 
- The Band : une page écran présente chaque membre du groupe. Elle donne également accès à un passage du concert dans lequel chaque musicien se distingue ainsi qu'à la présentation qu'en fait Herbie Hancock au cours de son interview. Assez succinct mais intéressant.
- Set Audio : choix de l'un des trois formats audio (changement en cours de lecture possible).
- Bonus Video : possibilité de voir le clip vidéo de Rockit (1983) et de le comparer au même titre mais dans le concert. On retrouve ici l'intégralité de l'interview de Herbie Hancock (5min49) donnée dans une limousine, sur un ton spontané mais avec peu d'informations transcendantes.
- More info : une dernière section "fourre tout" où l'on trouve onze adresses de sites (musiciens, maison de disque, salle de concert et site officiel de Herbie Hancock), six pages de crédits (live crew, DVD direction, audio production, vidéo production, management legal et thanks), une discographie (succincte mais bien présentée avec des extraits audio) et enfin une rubrique help qui détaille comment accéder au multiangle MX (a noter que ce n'est pas la touche "camera" habituelle qui opère mais les touches de curseur qui servent à choisir les vignettes en bas de l'écran pour sélectionner l'angle voulu).

Pour résumer, en dehors de la présentation, l'intéractivité ne souffre d'aucun défaut majeur et apporte même une option trop souvent oubliée, le multiangle, qui est proposé sur plus de trente minutes du spectacle avec une bonne conception de surcroît: du beau travail.