Yûkoku, rites d'amour et de mort

Genre
Pays
Japon (1966)
Date de sortie
mardi 4 novembre 2008
Durée
29 Min
Réalisateur
Producteurs
Yukio Mishima
Scénaristes
Yukio Mishima
Compositeur
Tristan et Isolde de Léopold Stokovski adapté par Donald Richie
Format
Dvd 5
Langues
PCM
Label
SS.Titres Film
SS.Titres Bonus
SS.Titres Commentaire
Japonais
Non
Non
Non
Anglais
Non
Non
Non
Français
Non
Oui
Non
Le Film
Critique de Laurent Berry
Editeur
Edition
Standard
Label
Zone
2
Durée Film
29 min
Nb Dvd
1

L'histoire

Yûkoku (Patriotisme) : un film extraordinaire laissé par l'un des plus grands écrivains du siècle. Maudit, détruit, pratiquement oublié dans son propre pays, ce film produit en 1965 est ressorti au Japon grâce à une copie miraculeusement retrouvée en 2005. Suivant exactement la narration d'une nouvelle écrite quelques années plus tôt, « Patriotisme », ce film montre de façon stylisée la dernière étreinte amoureuse et le Seppuku d'un jeune lieutenant entièrement dévoué à l'honneur samouraï, le Bushido : répétition de la mort spectaculaire que l'écrivain choisira, le 25 novembre 1970, à Tokyo. Film ultra-esthétique, cinéma wagnérien, prolongement filmique du théâtre Nô ou encore document historique, Yûkoku occupe une place unique dans l'art cinématographique du XXè siècle.

Critique artistique

A l’instar de l’éditeur mk2 avec le Coffret DVD Fahrenheit 451 qui comprenait le livre éponyme, Les éditions Montparnasse on eu la bonne idée et la lucidité d’éditer pour la première fois en DVD, Yûkoku, Rites d’amour et de mort de l’écrivain Yukio Mishima en l’accompagnant d’un livret explicatif et du recueil Patriotisme et autres nouvelles de l’écrivain nippon mythique. Ce livre folio contient entre autres la version littéraire de Yûkoku traduite en français par Dominique Aury ce qui nous permet de mettre en évidence le travail d’adaptation opéré par Mishima de l’oeuvre écrite au cinéma. Mishima fait partie de ces personnalités qui ont laissées une empreinte dans l’imaginaire pour un acte radical alors même qu’il est l’auteur d’une oeuvre littéraire conséquente. Né de son vrai nom Kimitake Hiraoka le 14 janvier 1925, cette comète japonaise travaillée par le Seppuku (suicide par éventrement) et la mort, met un terme à sa vie le 25 novembre 1970, quelques heures après avoir mis un point final à son oeuvre littéraire en remettant son dernier manuscrit à son éditeur le jour même. Ce dernier manuscrit s’intitule L’Ange en décomposition, dernier des 40 romans que compte son oeuvre composée d’une centaine d’ouvrage parmi lesquels l’on retrouve 18 pièces de théâtre, des essais ou 20 recueils de nouvelles.



Comme le suggère Marguerite Yourcenar qui lui a consacré l’ouvrage "Mishima ou la vision du vide", où elle évoque sa vie ainsi que sa mort tragique, Mishima semble avoir fait de son suicide rituel son oeuvre ultime qu’il a préparé et répété au fil du temps. En effet, le coup d’éclat mené par l’écrivain au Ministère des armées accompagné de quatre jeunes disciples en tenant un discours en faveur du Japon traditionnel et de l’empereur avait été en fait préparé pendant plus d’une année. Mishima qui avait écrit et adapté sa nouvelle Yûkoku avait par ailleurs décrit une action très similaire dans son roman Chevaux échappés, avec une fin tout aussi tragique. Tout comme Jean D’Ormesson, lors de la même édition de l’émission Apostrophe, certains ont prétendu que cette tentative de coup d’état n’était en réalité qu’un prétexte destiné à accomplir le suicide rituel que Mishima avait toujours fantasmé. Cette thèse reste d’actualité quand on sait que son oeuvre est empreinte d’un certain pessimisme et que la souffrance en est un thème récurrent chez un homme qui se disait envoûter par le tableau Saint Sébastien de Guido Reni où figure un éphèbe à demi nu percé de flèches ; une photographie de Eikoh Hosoe le représente d’ailleurs dans cette posture.



Yûkoku, Rites d’amour et de mort résonne comme un programme poétique faisant écho au poème de Rainer Maria Rilke dont Mishima avait fréquenté l’oeuvre et qui écrit dans Le Livre de la Pauvreté et La mort « ... nous ne sommes que l'écorce, que la feuille, le fruit qui est au centre de tout, c'est la grande mort, que chacun porte en soi». Mishima lui aussi semble avoir poursuivi la mort comme le point culminant auquel toute vie doit préparer et Yûkoku qui désigne en japonais « l’inquiétude à l’égard du pays » fait référence à un épisode historique du 26 février 1936 peu connu en occident au cours duquel a eu lieu la principale tentative de coup d’Etat dans une décennie qui en compta plusieurs. Cet épisode important dans l’histoire marqua Mishima qui n’avait que onze ans et lui fournira la matière de plusieurs oeuvres dont Yûkoku (1960), la pièce Toka no Kiku (Les chrysanthèmes du dixième jour, 1961), l’essai Les voix des morts héroïques puis dans les Chevaux échappés.

L’auteur explique à propos de Yûkoku, qu’il voulait « imaginer une circonstance où plaisir physique extrême et extrême souffrance physique sont constitués par le même principe, et par là aboutissent à la suprême béatitude » mais en situant l’incident historique du coup d’Etat de 1936 à l’arrière-plan ce qui place l’œuvre de l’écrivain sous le signe d’une expression personnelle d’avantage que d’une volonté de relater la vérité historique ou politique concernant les jeunes officiers rebelles impliqués dans le coup d’Etat. En regardant le film et en le comparant avec l’œuvre littéraire, on remarque la symétrie entre les scènes qui décrivent la sensualité voire l’érotisme qui habite le jeune couple et celles où les époux vont se donner la mort. Il y a une béatitude partagée que Mishima met en scène d’abord dans le plaisir physique puis dans l’extrême souffrance physique avant de nous monter le couple réunit et placé au centre d’un jardin japonais Karesansui où l’eau est mise en scène à l’aide de graviers de formes, de tailles et de teintes diverses. C’est un jardin que l'on contemple car il s’agit surtout d’une promenade mentale et spirituelle propice pour ressentir une forme de béatitude.

Verdict 

Yûkoku (Patriotisme) de l’écrivain et cinéaste Yukio Mishima est un film étonnant relèvant peut-être plus du cinéma expérimental à la manière de La Jeté de Chris Marker, laissé par l'un des plus grands écrivains du siècle. Maudit, détruit, pratiquement oublié dans son propre pays, ce film produit en 1965 est ressorti au Japon grâce à une copie miraculeusement retrouvée en 2005. Cette édition DVD exceptionnelle permet d’apporter un éclairage sur une œuvre importante et sur une personnalité qui aura marqué la deuxième moitié du XXème siècle d’un geste radical comme une effraction historique de la tradition en plein cœur de l’ère moderne.

L'image
Couleurs
Définition
Compression
Format Vidéo
4/3 n&b
Format Cinéma
1.33:1
L’image de cette édition DVD de Yûkoku est simplement correcte car il s’agit d’un master en noir et blanc restauré. Pour un film tourné en 1966 en deux jours dans une relative confidentialité, devenu un tabou menacé de destruction et de disparition totale avant que son négatif ne soit retrouvé dans une boite à thé rangée dans l’entrepôt d’une ancienne maison de l’écrivain, à Ota, un quartier de Tokyo, Yûkoku présente une image acceptable. Le contraste n’est pas vraiment optimum car le rapport entre le noir et le blanc aurait probablement gagné à être plus accentué afin de faire notamment ressortir la blancheur liée au personnage de Reiko, l’épouse du Lieutenant Shinji Takeyama. Cependant ce contraste permet de conserver une plage de gris plus important. Le master DVD est techniquement plutôt propre.

Le Son
Langue
Type
Format
Spatialisation
Dynamique
Surround
Français
2.0
Anglais
2.0
Japonais
2.0
Cette édition est proposée avec 1 piste Dolby Digital 2.0 mono (384 Kbps) pour les versions française, japonaise et anglaise puisqu’il s’agit d’un film muet produit cependant en plusieurs langues par Mishima ce qui explique la présence de plusieurs pistes vidéo. La piste audio est une piste exclusivement musicale concoctée par Donald Richie à partir d’une version de Tristan et Isolde enregistrée par l’Orchestre de Philadelphie placé sous la direction de Léopold Stokovski en 1936. L’expérience sonore et musicale est honorable et accompagne assez justement les images. Il y a à la fois une dynamique commune entre les images et l’orchestration et en même temps la tonalité des deux dimensions semble comme en dissonance par moment car les scènes du Seppuku sont très crues et dures par rapport à la ligne mélodique dut hème musical.

Les Bonus
Supléments
Menus
Sérigraphie
Packaging
Durée
10 min
Boitier
Amaray

Bonus 

- Un entretien inédit avec l’écrivain Mishima mené par Jean-Claude Courdy (9mn 30, septembre 1966) : La mise en scène de cet entretien est assez amusante en soi puisqu’il s’ouvre sur un Mishima qui nous reçoit torse nu dans son lit tout en feignant de dormir. Jean-Claude Courdy a menée une immense carrière journalistique en Asie et il nous livre la principale interview de Mishima pour la télévision française tournée quelques semaines avant le tournage de Yükoku auquel il participera par ailleurs en tant qu’observateur. Cet entretien ne dure que 9mn 30 mais Mishima avait accepté de recevoir l’équipe de Jean-Claude Courdy une journée entière ce qui nous permet de le voir évolué au cours de la journée et de nous faire une démonstration de katana. Bien que le son soit assez mauvais, on peut apprécier la dimension caustique et amusante des propos de Mishima qui affirme son admiration pour Salvador Dali dont il dit qu’il n’est jamais ridicule.

- Un livret « Yûkoku, Rites d’amour et de mort » par Stéphane Giocanti de 32 pages illustrées. Ce livre d’accompagnement revient sur la « Naissance d’un mythe et d’un film miraculé », « le mystère Mishima : les masques de l’écrivain », « Yûkoku (Patriotisme) : la nouvelle, Histoire d’une rébellion militaire», « Yûkoku le film, les conditions de tournage et l’adaptation musicale », « Mythes et styles » où sont abordés plusierus thème majeurs tels que la stylisation par le Nô sont se réclamait Mishima alors que dans le même temps Yûkoku est un forme de Tristan et Isolde moderne et japonais. Ce livret élégant est très bien venu afin de mieux cerner une œuvre qui trouve ses origines autant dans la culture occidentale que Mishima fréquentait assidûment que dans celle du japon du XVème siècle, en particulier le théâtre de Nô et l’héritage de la culture des samouraïs. Mishima explique d’ailleurs que les japonais sont tous des descendants de samouraïs, de  commerçants ou de paysans et que pour sa part il a hérité autant des deux premières catégories ce qui explique son attachement à la culture des samouraïs et sa mort devenue mythique.

- Un livre Folio « Patriotisme et autres nouvelles » de Mishima traduit par Dominique Aubry, 127 pages aux éditions Folio/Gallimard. De l’univers des geishas aux rites sacrificiels des samouraïs, de la cérémonie du thé à la boutique d’un antiquaire, Mishima explore toutes les facettes d’un Japon mythique, entre légende et tradition. La troisième nouvelle du livre est la version littéraire de Yûkoku qui est aussi la plus sombre. Les autres nouvelles sont très agréables à lire et posent à chaque fois une ambiance très étrange entre celle des romans de Haruki Murakami pour l’étrangeté (Dojoji ou les 7 ponts) et ceux de l’écrivain Milan Kundera pour la précision des descriptions des sentiments des personnages (Yûkoku et La perle). La perle et Dojoji sont deux nouvelles qui s’achèvent sans réellement donner une solution mais laisse entrevoir des interprétations qui peuvent laisser perplexe ou au contraire donner le sentiment d’une factualité implacable.

Bonus
Livret
Bande annonce
Biographies
Making of
Documentaire
Interviews
Com. audio
Scènes sup
Fin alternative
Galerie de photos
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