Un hiver pire que jamais. Le gouvernement publie un décret obligeant les citoyens français les mieux logés à accueillir chez eux pendant la vague de froid leurs concitoyens en situation précaire. A l’heure du Grand Partage, un vent de panique s’installe à tous les étages dans un immeuble très chic de la capitale.
Alors que dans l’actualité de notre quotidien morose de ces dernières années, s’affichent des personnes offusquées de voir se construire un centre d’hébergement pour SDF aux abords du bois de Boulogne, réputés pour ses nuits saines et tranquilles, à grands renforts d’arguments tels que : « C’est une aberration que de mettre en voisinage direct des gens extrêmement pauvres avec des gens extrêmement riches. » le film d’Alexandra Leclère sonne étrangement juste. On y voit, en effet, des couples richissimes obligés d’ouvrir leurs appartements à des travailleurs pauvres. Du coup les masques tombent, les bonnes revendications qui font avoir la conscience tranquille se heurtent à la dure réalité de l’engagement tel qu’on peut le voir dans tous ces discours de bienveillance que nous assènent les beaux parleurs sans toutefois les suivre d’actions.
Avec un certain cynisme, qui résonne subitement tellement réel, le scénario montre comment toutes ces personnes riches tentent par tous les moyens d’échapper à cette obligation qui va les confronter à leurs premières peurs évidentes : La pauvreté. Car il est évident que l’on peut tenir tous les discours bienveillant de la terre, dès lors que l’on doit passer le pas et mettre les mains dans le cambouis, la chose est beaucoup moins entendue qu’elle n’y paraissait en amont. Les plus malins fuient avant que ne tombe la foudre et les autres tentent de trouver toutes les excuses même les plus cyniques pour se soustraire à leur devoir. Mais quel est il ce devoir en fait ? Celui de regarder la pauvreté en face, de ne pas détourner le regard ! Savoir aller plus loin que de simples belles pensées ou belles paroles ! Dépasser sa peur de l’autre, surtout lorsqu’il est dans le besoin, même s’il faut en payer le prix de la raison.
Avec une mise en scène, qui, toutefois, ne parvient pas à choisir son rythme, entre comédie cynique ou comédie dramatique, la réalisatrice, semble toujours chercher une vitesse de croisière à sa narration. On passe aussi vite d’un moment d’émotion un peu démago, à une scène burlesque, ou encore de la comédie qui s’ignore au drame qui ne s’assume pas. Du coup le spectateur, sans être insensible à l’histoire ne parvient pas forcément à se situer dans ce film qui dénonce évidemment un individualisme en ciblant les deux extrêmes, mais qui pourrait très bien s’associer à la classe moyenne qui ne fait pas forcément preuve de plus de charité dans son quotidien.
Pour cela, Alexandra Leclère a su s’entourer de comédiens rompus à ce style de personnages : Josiane Balasko (Les Bronzés), Valérie Bonneton (Fais pas çi fais pas ça), Didier Bourdon (Les trois frères) entre autres
. Toute la distribution s’amuse d’un scénario qui les emmène aux fins fonds de leurs personnages en les mettant face à leurs propres paradoxes et à leurs propres manque de force dans la mise en marche de leurs idées, faussement assumées pour ne pas paraître à la main du Diable.
En conclusion, « le Grand Partage » est un film qui sonne étrangement juste dans une actualité qui a rattrapé la fiction. Si le scénario est impeccable de cynisme et de moments de comédies remarquables, la mise en scène ne parvient toutefois pas à trouver une vitesse de croisière qui puisse positionner le spectateur dans l’une ou l’autre des cases de la comédie. Du coup on se laisse porter à juger les personnages, avec un peu de courage à les confronter à nos propres existences, mais on ne sait jamais si l’on doit rire ou s’émouvoir de ce qui se passe devant nos yeux.