Rick Carver, homme d’affaires à la fois impitoyable et charismatique, fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Lorsqu’il met à la porte Dennis Nash, père célibataire vivant avec sa mère et son fils, il lui propose un marché. Pour récupérer sa maison, sur les ordres de Carver, Dennis doit à son tour expulser des familles entières de chez elles.
La crise des « Subprimes » qu’est-ce que c’est ? Quelle furent ses conséquences ? Et comment ont survécus ceux qui en furent les premières victimes ? Tel est le sujet du film de Ramin Bahrani (At any price). Le réalisateur nous entraîne, à travers l’histoire de ce jeune père de famille qui vient de perdre sa maison et n’a qu’une seule obsession la récupérer, car elle représente toute sa vie, dans une peinture de ce que fut la crise des « Subprimes » du point de vue des victimes, totalement démunies face à des juges et à des avocats bien incapables de faire preuve de la moindre humanité dans une situation particulièrement difficile qui se répéta des milliers de fois, notamment en Floride, qui fut le point culminant de cette arnaque géante des banques et des agents immobiliers.
Comme dans toutes les crises financières, il y a toujours des petits malins pour faire du profit sur le malheur des autres et c’est notamment le cas dans ce scénario qui tisse, avec un certain cynisme évident, les différentes faces de cette crise sur le terrain. On y voit des familles expulsées parce qu’elles ne parviennent plus à régler leurs dettes, d’autres parce que le propriétaire indélicat n’a pas payé son crédit et a laissé la situation s’envenimer mettant des familles à la rue, et de l’autre côté on y voit l’agent immobilier et les multinationales se partager les bénéfices de ces expulsions. Le héros se retrouve alors face au dilemme Cornélien : Se battre avec rien ou se vendre au premier offrant quitte à y perdre son âme.
Avec une mise en scène d’une grande fluidité malgré la complexité de son sujet et le risque de plonger dans un discours un peu démago, ce qui est le cas malheureusement sur la fin, Ramin Bahrani réalise un film captivant qui en plus d’être un drame se révèle surtout un thriller prenant et dérangeant. A la fois simple et glaçant, le film déroule avec beaucoup de maîtrise une mise en lumière d’une situation douloureuse pour des milliers de personnes, souvent perdues par les décisions de justice qui firent la part belle aux banques. Le réalisateur offre un film qui met enfin en lumière la souffrance de ces gens avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, en évitant la caricature.
Avec une distribution qui se donne les moyens d’un jeu fascinant de précision, à l’instar de Michael Shannon (Midnight Special) dont le charisme colle parfaitement à la froideur cynique du personnage. Un homme porté par l’argent, par la réussite, qui n’hésite pas se mettre en concurrence glaciale avec ses rivaux pour se faire encore plus d’argent sur la misère des petits. Face à lui,
Andrew Garfield (Amazing Spider-Man) compose avec une retenue assez remarquable, un personnage qui se perd au fur et à mesure que le film avance, dans son obsession de retrouver sa maison et de sauver sa famille de la honte de perdre sa maison.
En conclusion, « 99 Homes » est un film passionnant, réalisé avec beaucoup d’intelligence et de maîtrise sur un sujet difficile à comprendre. Pourtant grâce à une mise en scène fluide et un scénario solide, le film parvient à mettre en lumière la détresse de milliers de personnes et le cynisme d’une poignée de professionnels qui firent de l’argent sur la misère des autres. Une triste histoire du monde qui ne cesse de se répéter.