Pour écrire son nouveau livre, Emma décide de se faire engager comme prostituée dans une maison close à Berlin.
La Maison est un film audacieux ! Audacieux parce qu’il est la première réalisation d’un film de fiction par une réalisatrice plus connue pour ses documentaires. Ensuite parce qu’il est l’adaptation d’un roman sulfureux de l’écrivaine Emma Becker qui raconte sans pudeur exagérée, sa vie sexuelle et son expérience dans une maison close, où la romancière a pu explorer sa sexualité tout en découvrant un monde fermé aux yeux du monde, souvent stigmatisé et pourtant si nécessaire. Sans en faire l’apologie, bien loin de là, le roman, expose ce microcosme de la prostitution avec ses failles et parfois ses libertés. A travers son parcours et son envie de découvrir sa sexualité, Emma Becker a voulu mettre en lumière un monde de la nuit où les esprits se mêlent autant que les corps, parfois pour apaiser une douleur psychologique ou simplement pour assouvir une pulsion, une envie, avec tout ce que cela représente de danger.
Il était donc intéressant qu’une femme, qui plus est, venue du documentaire se penche sur une adaptation de ce roman, qui n’a pas de structure dramatique. Il fallait donc y apporter une histoire qui s’en détache tout restant le plus fidèle possible au roman. Et de ce côté-là le pari est tenu, car en demandant de l’aide à Diastème, un scénariste connu pour avoir écrit et réalisé « Un Français » en 2014, elle y apporta une double vision, à la fois féminine et masculine pour que le spectateur puisse se retrouver, chaque fois, des deux côtés de la barrière. Et c’est cette écriture qui va permettre, également au scénario de garder une certaine cohérence, même s’il ne peut éviter les passages superflus et parfois larmoyants autour du métier de prostituée (Et oui, car cela est un métier pour celles qui l’ont choisi, bien évidemment !).
Et c’est certainement là, la faiblesse de « La Maison », c’est que la mise en scène se perd un peu trop dans des considérations d’usage et dans des paradoxes qui déroutent le spectateur. Car, la réalisatrice fait le choix d’une mise en scène à la Catherine Breillat, à savoir, d’accumuler certaines scènes de sexe, avec parfois une certaine impudeur, qui pourrait coller au scénario et à l’histoire, mais qui ont bien du mal à trouver une forme narrative fluide avec le reste de l’histoire. Nous avons l’impression de suivre une succession de scènes érotique, presque pornographique, comme des moments suspendus dans le film, pour ensuite revenir sur une narration classique. Et c’est ce marquage appuyé entre les nuits dans « La Maison » et la vie normale avec sa fille ou ses proches, y compris son meilleur ami ou son amant qui font que le film a bien du mal à trouver sa vitesse de croisière et à nous tenir en haleine de bout en bout. La réalisatrice, qui se défend d’avoir voulue être trop crue, semble s’être laissé déborder par son sujet et offre des scènes de sexe assez froides et qui se laissent aller à une certaine impudeur, parfois dérangeante.
En conclusion, « La Maison » est un premier film de fiction pour Anissa Bonnefont qui manque cruellement de fluidité particulièrement dans la jonction entre les scènes de sexes et les scènes de dialogues ou de famille. On se perd un peu trop dans la narration et cela nous laisse un peu trop en marge du film. Pourtant le scénario semblait taillé pour nous offrir une histoire aux points de vues, forcément opposés mais constructifs.