La Bête dans la jungle, librement adapté de la nouvelle de Henry James, est l’histoire d’un huis clos vertigineux : pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La « chose » finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.
Patric Chiha n’est pas un débutant. Depuis plus de 15 ans il propose des longs métrages de fiction ou des documentaires, comme le touchant « Brothers of the night » en 2017, qui suivait le parcours de jeune Roms qui se prostituaient à Vienne, mais dont le groupe était tellement soudés qu’ils vivaient avec un certain détachement de leur condition. Ici, le réalisateur a écidé d’adapter un roman qui l’avait particulièrement touché. Une œuvre complexe d’Henry James dont les œuvres comme « Portrait de femme » (1881) ou « Daisy Miller » (1878) sont traduites dans le monde entier et sont souvent des portraits complexes de personnages qui cherchent un sens à leur vie et espère une lumière qui parfois ne vient jamais.
Avec « The Better Sort », l’auteur décrivait le parcours d’un homme qui attend un évènement extraordinaire qui doit changer sa vie, mais passe complètement à côté de cette dernière. Pour l’aider dans son attente, il fait appel à une femme qu’il croise et l’entraine dans son errance. En imaginant l’action de son adaptation dans une boite de nuit, lieu de fantasmes, d’évasion et en même temps de parenthèse nocturne dans le cheminement de la vie, le réalisateur a trouvé la base de son propos et a décidé de tisser son scénario, aidé d’Axelle Ropert (Annie Colère) et Jihane Chouaib (Léa). Il nous entraine alors dans une divagation de ces deux personnages qui semble enfermés dans cet espace-temps, dont ils ne maitrisent rien et si May tente de faire comprendre à John la dérive de son errance, elle se laisse toutefois embarquer jusqu’à la manifestation de la chose.
Le ton de « La Bête dans la Jungle » fait évidemment penser au cinéma de Fassbender avec ses personnages qui servent des textes en les jouant comme s’ils étaient suspendus dans le temps, comme si leur nature même était dématérialisée. Il y a la voix laconique de Béatrice Dalle (37.2° le Matin) qui pose l’ambiance, puis les postures très (Trop) soignées des acteurs qui donnent au film une sensation d’irréelle que vient encore plus appuyer cette quasi-unité de lieu : La boite de nuit dans laquelle évolue les personnages. Pourtant le réalisateur les fait évoluer dans le temps, puisqu’ils vont parcourir plusieurs décennies et au travers de répliques, ou d’effets sonores en arrière plans, on passera l’élection de Mitterrand et ses espoirs, les années Sida à travers la mort de Klaus Nomi, un chanteur allemand qui fut le premier à en mourir.
« La bête dans la jungle » est un film qui peut être déroutant, autant que peut l’être le roman d’Henry James, mais qui a le mérite d’offrir une expérience cinématographique dans laquelle Patric Chiha fait se percuter l’errance dans but factuel de son personnage et les éléments qui gravitent autour. Un film intéressant mais pas imparfait, notamment par le choix de la diction presque monocorde qui peut vite dérouter.