Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il revient dans la ville qui l’a vu grandir pour retrouver son ami d’enfance avant la police. Seulement, l’enquête d’Anna Werner la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny…
Pour son premier film, donc, le réalisateur Baptiste Debraux a décidé de planter sa caméra dans la région où il a grandi : Les Ardennes. Une région sinistrée socialement avec une démographie en chute libre, des usines qui n’ont cessé de fermer, des services publics quasi aux abonnés absent et un désert médical qui ne cesse de gagner du terrain. Autant le dire une région marquée par l’abandon mais qui garde sa fierté. Comme s’il était nécessaire pour lui de mettre en image cette terre et ces forêts des Ardennes, Baptiste Debraux film avec une certaine chaleur, un décor qu’il veut rendre plus froid que de raison. Avec une intrigue qui tourne à la fois entre la fresque sociale et le thriller policier, le réalisateur plonge le spectateur dans un long métrage ou la région est un personnage à part entière de son récit.
Car ce que le scénario qu’il a signé avec Armel Gourvennec (OSS 117, Rio ne répond plus) nous raconte, c’est une histoire d’amitié sur fond de fracture sociale. L’histoire de deux garçons de milieux radicalement opposés qui vont se lier d’amitié et la vivre comme les héros de « l’Ile aux Trésors » de Robert Louis Stevenson, un roman dont ils partagent la passion. Et au milieu de tout cela, il y a une ville à l’agonie, une usine qui risque de fermer ses portes des employés qui se battent et des familles que la misère menace. Les deux garçons vont grandir et chacun prendra un chemin différent, pour se retrouver quinze années plus tard autour d’un fait divers, toujours ancré dans cette lutte sociale qui ne cesse de s’aggraver et de créer une tension palpable à chaque coin de rue. Le réalisateur et son coscénariste ne font pas dans la dentelle mais parviennent à maintenir le cap d’une intrigue faussement policière où les angles d’attaques sont bien différents. Nous pourrions tout aussi bien nous focaliser sur Anna (Impeccable Léa Drucker (Jusqu’à la garde), comme toujours !), gendarme en charge de retrouver Johnny (Pierre Lottin (La nuit du 12), toujours aussi bon dans ces rôles sombres), l’un des deux garçons au parcours torturé et auteur présumé d’un braquage. Anna qui revient dans la ville où elle a grandi mais qui est considérée comme étant du mauvais côté de la barrière. Nous pourrions tout autant nous intéresser à ces deux garçons que le destin a séparés et essayer de comprendre pourquoi la vie les a éloignés. Et enfin, comprendre comment une région entière peut-être autant désœuvrée et abandonnée à ce point par les pouvoirs publics.
Le réalisateur a donc décidé de ne pas se faciliter la tâche et nous livre là, une œuvre aboutie, certes imparfaite, mais pas tant que ça, dans laquelle les personnages sont ciselés avec une certaine maturité et dont les nuances sont palpables à mesure que l’intrigue progresse. La mise en scène de Baptiste Debraux, va d’ailleurs dans ce sens en restant au plus près de ses personnages et en intégrant la région comme partie intégrante de son récit. Johnny qui est censé être le méchant de l’histoire apparaît comme un prophète, un sauveur qui s’est nourri de sa propre souffrance pour comprendre celle des autres et la défendre dans son combat. Paul (Fantastique Bastien Bouillon (Le Comte de Monte-Cristo) dans un rôle d’écrivain fauché qui revient après 15 ans dans sa région pour répondre à l‘appel silencieux de son ami d’enfance) se retrouve le messager discret de celui que tout le monde recherche, que tout le monde idéalise et tente de protéger des forces de l’ordre lancées à sa poursuite.
Baptiste Debraux signe avec « Un Homme en Fuite », une œuvre maitrisée dans laquelle il a su intégrer les codes du thriller et de l’œuvre sociale. Le réalisateur plonge le spectateur dans une intrigue maintenue, pas imparfaite, mais tenue qui sait captiver le spectateur de bout en bout, malgré un principe de flash-back récurrent qui peut vite se révéler lassant. La distribution est à son meilleur niveau et livre ici une composition précise pour mieux imprégner le spectateur.