1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges. Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve vont peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.
Inspiré du roman d’Elizabeth Becker, « When The War Was Over : Cambodia and the Khmer Rouge Revolution », « Rendez-vous avec Pol Pot », est la deuxième rencontre la journaliste américaine et le réalisateur Rithy Panh, après « Bophana, une tragédie Cambodgienne » en 1996, une histoire terrible d’une jeune femme enlevée, torturée puis exécutée, pour avoir envoyé des lettres d’amour à son mari. Elizabeth Becker fut la première journaliste à avoir enquêter sur Bophana et le réalisateur l’avait contacté lors de la réalisation de son film en 96, puisqu’il se basait sur ses écrits pour écrire son long-métrage. Presque 30 années plus, la journaliste lui a cédé les droits de son livre et le réalisateur Cambodgien, nous offre donc l’occasion de plonger, à nouveau, dans cette période terrible de l’histoire de son pays qui fut sous l’emprise d’un homme et de sa milice armée.
Avec une certaine sobriété qui ne fait que renforcer son propos, Rithy Panh avec son co-scénariste Pierre Erwan Guillaume (L’Ennemi Naturel), il laisse le spectateur voir et entendre ce que les personnages vivent. Le scénario ne prend pas la main de l’audience pour baliser le propos, il laisse certains détails s’imposer, un regard, celui de militaires écoutant un paysan répondre aux journalistes, une sonorité, les serrures des chambres où sont logés les journalistes, etc… Tout est fait pour nous mettre dans la place des personnages, pour mieux nous identifier et ressentir ce qu’ils peuvent s penser et comment les changements vont s’opérer dans leurs esprits.
Il y a également le parti pris de la mise en scène. Rithy Panh, utilise, une mise très large pour pouvoir mieux noyer ses personnages dans ce tourbillon d’un monde qui devrait être à explorer, mais dont on leur impose des limites. Et puis soudain, les images d’archives qui viennent nous confronter à la réalité de l’histoire, celle qui est venue nous heurter de plein fouet. Au détour d’une scène alors que les personnages continuent d’évoluer à l’aveugle tout en ayant une idée assez précise de ce qui se trame derrière les interdictions de questionner, de filmer ou d’aller où bon nous semble. Alors pour illustrer certains passages que l’on ne peut voir et comme, par pudeur, encore une fois, pour ne pas mettre en scène l’indescriptible, le réalisateur va utiliser des maquettes et des personnages en bois pour mettre en scène certains passage qui se passent derrière le voile qui masque : La Vérité.
« Rendez Vous avec Pol Pot » est un film nécessaire qui nous offre avec pudeur la possibilité de rencontrer l’histoire de l’une des dictatures les plus meurtrières et les plus durs du continent asiatique, avec un despote qui affama une grande partie de sa population qu’il jugeait inutile et fit emprisonner des millions de gens, des artistes, des intellectuels pour le danger que représentaient leurs pensées. Le réalisateur Rithy Panh ne cherche pas à choquer mais nous amène avec une subtilité rare à nous installer dans la peau de ses protagonistes pour mieux ressentir le questionnement, le doute et, soudain, l’horreur. Une belle leçon de mise en scène.