Scènes de la vie conjugale

Attention ! Grand Maître du Cinéma. Ingmar Bergman. Même ceux qui n’ont jamais vu un de ces films connaissent ; au moins de réputation. Une réputation de cinéaste complexe, intello, voire chiant pour certains. Et il faut bien reconnaître que la vision d’un film de Bergman est une expérience particulière. Mais après avoir vu ces Scènes de la Vie conjugale, on comprend pourquoi Bergman est considéré comme un des cinéastes majeurs du siècle dernier.

 

Ces Scènes de la vie conjugale, au nombre de six, racontent la vie de Marianne et Johan, mariés depuis dix ans au début de la première scène. Tout semble aller pour mieux, un couple amoureux, à l’aise financièrement, parents de deux petites filles. Mais au fur et à mesure, le vernis d’une vie apparemment idyllique craque, jusqu’à ce que Johan annonce à Marianne qu’il est tombé amoureux d’une fille plus jeune et qu’il quitte le domicile conjugal.

 

Une histoire, centrée uniquement sur Marianne et Johan, subtile, intelligente, et parfois très dure d’un point de vue psychologique. Bergman dissèque ce couple avec minutie, d’une manière très réaliste. Il prend son temps, il faut en effet rappeler qu’il s’agit ici de la version intégrale du film comprenant les six épisodes d’abord diffusés à la télévision suédoise avant de sortir dans une version raccourcie au cinéma. On aurait donc pu craindre l’ennui, puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que d’un couple dans son quotidien. Mais au contraire, la plupart du temps, la justesse du scénario dans la description de ce couple bourgeois fait mouche : tous les non-dits qui sapent petit à petit une relation, l’influence de la culpabilité dans ses agissements avec les autres, le conflit entre la volonté de sécurité représentée par la routine du quotidien et la volonté de vivre ce que nous dicte réellement nos envies… De plus, Bergman sait habilement faire monter la tension dans certaines scènes. Toutefois, le film se montre quand même parfois un peu pompeux et intello, mais reposant essentiellement sur les dialogues, il était quasiment impossible d’éviter que l’oeuvre soit par moments tout simplement trop bavarde.

 

Mais le véritable tour de force du film reste la réalisation, d’une précision diabolique. Bergman colle au plus près des acteurs. L’accumulation de gros plans et de plans fixes colle parfaitement à l’histoire. L’intérêt du film étant la description de ce couple, Johan et Marianne ne sont jamais abandonnés. Et le spectateur n’a pas le choix, il se retrouve directement au sein de l’action. Impossible de se contenter de seulement regarder les choses de loin, d’un œil distrait. La réalisation sait également appuyer quand il le faut et souligner les moments importants, les instants clés de l’histoire de ce couple qui se brise.

 

La caméra ne lâche jamais les acteurs. Et ceux-ci se montrent dignes de cet intérêt. Les deux acteurs incarnant Marianne et Johan sont excellents. Elle, Liv Ullmann, égérie rencontrée sur le tournage de Persona (1966), et dont l’histoire avec Bergman inspire en partie ce film. Lui, Erland Josephson, également acteur récurrent dans les films du maître, notamment dans le mythique Cris et Chuchotements (1972). Tous les deux incarnent un couple très convaincant, enchaînant les moments de tendresse, de complicité avec ceux plus dramatiques où le couple se dispute, se déchire, lutte, allant même jusqu’à se battre physiquement. On les voit tantôt amoureux, tantôt éprouvant de la haine pour l’autre.

 

 Scènes de la vie conjugale est certes un film un petit peu difficile d’accès, qui demande un certain effort de la part du spectateur. Mais, à tous les niveaux, on prend une véritable leçon de cinéma et on comprend pourquoi Ingmar Bergman est considéré comme l’un des plus grands réalisateurs, voire le plus grand pour certains, comme en témoigne cette « Palme des Palmes » décernée par le Festival de Cannes pour son cinquantième anniversaire.

Certes, il s’agit d’un film tourné en 1973, et pour la télévision de surcroît. Mais il ne semble qu’aucun effort n’a été fait lors du pressage Dvd.Il y a énormément de grains à l’image. C’est dommage, parce qu’avec une telle réalisation, la définition de l’image aurait méritée meilleur traitement (mais peut être que le matériel original était trop abîmé). Le seul point positif est que les couleurs sont assez ternes, sombres, ce qui colle parfaitement avec l’histoire.

La même chose que pour l’image. Aucun effort de fait. On a le droit à la version originale suédoise en stéréo. De toute façon, il n’y a aucune musique et l’action qui demandera le plus de travail à vos enceintes est le bruit d’une fourchette au contact d’une assiette. En gros, à part les dialogues qui sont correctement restitués, rien d’autre ne fera travailler votre ampli.

Peu important en quantité. Mais assez intéressant en qualité. Tout d’abord un documentaire sur Bergman (« Il est temps de lever le rideau »), sur sa vie, son rapport aux femmes, l’explication de ses thèmes, court mais très bien fait. Ensuite un entretien avec Claude Miller (« Un tel état de tension »), réalisateur notamment de La Petite Lili (2002) et de Garde à Vue (1981), qui nous parle de son admiration pour Bergman, entretien très explicatif et très argumenté.

 Enfin, de manière anecdotique, une série de bandes-annonces de films appartenant aux collectons Bresson, Kieslowski, Resnais et Taviani.