L'histoire :
Alors qu’il erre au milieu de ses rêves, un homme fait de curieuses rencontres, improbables et insolites… Chacun des personnages qu’il croise l’interroge sur la place des rêves dans notre réalité, sur la vie, la mort …
Critique artistique :
Avant de réaliser
A scanner darkly (2006),
Richard Linklater à qui l’ont droit
Rock Academy (2003) ou Fast food Nation (2006) avait pu expérimenter la technique d’animation si particulière de l’adaptation du roman de Philip K. Dick en réalisant Walking Life (2001) film d’animation mi fantastique mi philosophique, pratiquement une introspection métaphysique. Si le style graphique très pictural de ces deux films leur confère une identité artistique forte et très originale, comme souvent si on y prend garde, une telle démarche aboutit à un résultat qui peut laisser dubitatif. En effet, l’on en vient très vite à se dire que la majorité du film aurait été parfaite en images réelles que seuls quelques rares passages comme celui où l’on voit les deux personnages représentés sous formes de couches nuageuses (voir la jaquette ou le bloc image) auraient pu compléter de manière contrastée, pertinente et poétique. Walking life est une sorte de road movie au pays des rêves, à vrai dire loin de Alice aux pays des merveilles dont il n’a pas la beauté narrative ou même de
La Science des Rêves (2005) de
Michel Gondry (
Eternal sunshine of the spotless mind (2004)) qui a l’art et la manière de créer des visuels évocateurs et poétiques.
On est face à un objet cinématographique expérimental dont les nombreuses discussions métaphysiques et philosophiques peuvent être assez intéressantes à suivre car il ne s’agit pas d’un délire oral visant à occuper l’espace de la narration ou à balader le spectateur même si on pourra trouver que le film est trop bavard. Bien que l’on reconnaisse certains acteurs comme Julie Delpy, Ethan Hawke ou Adam Goldberg et des représentations de certaines personnalités très diverses telles que le réalisateur
Steven Soderbergh (Ocean's eleven (2002),
Ocean's Twelve (2004), Eros(2005)) ou le théoricien français Guy Deborg (La société du spectacle) on ressent les apparitions assez courtes de ces personnages comme des rencontres rendues propice par une divagation plus ou moins contrôlé par le rêve. Le personnage qui évolue dans cette vaste zone rêveuse semble connecter sur un larsen des rêves, n’arrêtant pas de rêver qu’il se réveille. Cela le conduit sans cesse à replonger dans une autre phase du rêve, par une mise en abîme qui fait un peu penser à Paprika (2005) bien qu’ici l’intégralité de l’histoire se déroule dans le monde des rêves contrairement au film de Satoshi Kon qui alterne monde des rêves et réalité concrète.
Le visuel de Paprika est fait de telle sorte qu’il donne du poids à l’histoire en rendant transparent le passage de la réalité au rêve, tandis que Walkging Life finit par être un peu fatiguant, on décroche des images pour se concentrer sur les propos parfois très élaborés tenus par les personnages mais qui peuvent à mon sens aisément finir par ne plus constituer qu’une bouillie intellectuelle trop compacte d’autant que plusieurs de ces personnages ont un débit verbal assez important. Si Walking Life est globalement un peu brouillon, il faut chercher ses qualités dans l’expression plastique de l’image qui se décompose en plans fluctuants et souvent désynchronisés comme si il s’agissait pour le réalisateur de montrer que ce que l’on voit, cette presque réalité n’est bel et bien qu’une représentation, un artefact, une construction de l’esprit qui peut changer de forme comme des strates de nuages. Le réalisateur nous fait la grâce de quelques métamorphoses inattendues mais amusantes des personnages qui prennent l’apparence de ce dont ils parlent. Walking life expérimente avant tout, une réalité mouvante et la déconstruction de la narration qui s’enchaîne par des vases communicantes incertaines mais naturelles comme l’esprit d’aventure.
Verdict :
A scanner Darkly ne brillait déjà pas vraiment par son style visuel bien que plus sobre que celui de Walking Life, réalisé cinq années plus tôt avec la même technique d’animation. Walking Life apparait plus comme un long-métrage d’animation expérimental et moins comme un long-métrage classique à la fois à cause de son rendu visuel et pour son mode de narration qui enchaîne des scénettes comme autant de rencontres avec des personnages plus ou moins volubiles. A voir et écouter tout au plus une fois par curiosité.