Santiago, décorateur d’intérieur reconnu, est avant tout le mari de Milli et un père affectueux pour Joséfina. L’équilibre de sa confortable vie urbaine vole en éclats lorsqu’une tragédie brise sa jolie famille. Méconnaissable, il réapparaît dans un aéroport désolé, au milieu des paysages glacés de la Patagonie, tentant de tromper sa douleur par des travaux ennuyeux. Tourmenté par les fantômes d’un passé inaltérable, Santiago doit se réconcilier avec le présent pour éviter de tomber dans la folie…
Pour son quatrième film, le réalisateur argentin Pablo Trapero (Voyage en famille, El Bonaerense) s’attaque au difficile sujet de la reconstruction après une tragédie. Incarnant « La nouvelle vague » du cinéma Argentin, le réalisateur soigne son sujet, utilise des clés pas forcément faciles telle que le paysage pour imager la douleur et le vide, ou encore les vie des autres pour le reflet de la douleur. Ne souhaitant jamais faire dans la caricature, ni dans l’excès pour ne pas sombrer dans le pathos, Pablo Trapéro utilise le décor de la Patagonie, comme un reflet de l’esprit de Santiago, vidé et refroidit de chaleur humaine. L’homme n’est plus qu’une vague ombre de lui-même et son esprit s’est définitivement perdu dans un désert dont il n’arrive plus à trouver les limites.
Magnifiquement interprété par Federico Esquerro (Voyage en famille), le personnage se perd dans sa souffrance au beau milieu d’un désert de glace, jouant avec la folie qui semble l’envahir. L’acteur n’est jamais aussi bon que lorsqu’il laisse la douleur physique de son personnage raviver celle, plus douloureuse que toutes les blessures de son corps. Noyé dans la détresse de son rôle, l’acteur n’hésite pas à ouvrir son talent au service d’un personnage torturé et torturant involontairement son entourage. Entouré d’une palette de comédiens autant amateurs que professionnels, Fédérico Esquerro parvient à créer une osmose avec ses répliquants, au point d’offrir au film une dimension tragique dépassant les souhaits du réalisateur.
Le scénario d’ailleurs ne s’y trompe pas. Il explore à travers une palette de personnages, tous plus originaux les uns que les autres, tous les méandres de l’esprit et de ces phases de reconstructions pour que la chrysalide se brise et fasse renaître, celui qui s’était abandonner aux frontières de l’errance. Incroyablement juste, le scénario offre une vision de cette souffrance, la plus intime qui soit sans jamais oublier de garder la pudeur de l’être.
En conclusion, « Nacido y Criado » qui signifie « Né et a grandi » est un petit film de grand talent qui explore avec justesse, les méandres d’une souffrance. Magnifiquement interprété, le film est un véritable bijou d’émotion. Attention Kleenex à prévoir !