L’histoire :
Trajectoires croisées d’Alice et Mattia, deux âmes perdues, entre 1984 et 2007.
Critique subjective :
Un titre rébarbatif, une affiche morne, une histoire triste. Reconnaissons-le d’emblée, pour le spectateur lambda, La solitude des nombres premiers n’est pas un métrage très attractif. Dans l’absolu, il ressemblerait plus à ces œuvres dites « difficiles », « exigeantes », et formatées pour les bobos téléramesques. Heureusement, les apparences sont ici fort trompeuses et la découverte du film fera voler en éclats ces aprioris négatifs. Réussite narrative et formelle, le troisième long-métrage de Saverio Costanzo, écrit en collaboration avec l’auteur du roman éponyme (Paolo Giordano), mérite largement une vision.
La solitude des nombres premiers est l’histoire poignante d’Alice et Mattia. Deux jeunes gens hantés par des traumas d’enfance (un accident de ski, la perte d’une sœur), des drames fondateurs qui ont façonné leurs personnalités. Ces blessures, ils les porteront toute leur vie, dans leur tête et dans leur chair. Traditionnellement associée à l’émerveillement et à la joie, l’enfance restera pour eux une phase particulièrement douloureuse, la plus sombre, la plus triste. Etres abîmés par l’existence, âmes fêlées à la dérive, Alice et Mattia se rejoignent dans l’exclusion mais s’avèrent aussi incapables de vraiment communiquer entre eux. Terrible. Ambitieux narrativement (l’action se déroule en 1984, 1991, 1998 et 2007, autant de périodes qui s’entremêlent en permanence), le métrage n’en déborde pas moins d’émotion, nous transperçant le cœur à plusieurs reprises. Si l’on pourra, à la limite, reprocher au film de se complaire dans le pathos, il n’en demeure pas moins bouleversant pour toute personne normalement constituée.
Loin de bâcler sa mise en scène, Saverio Costanzo signe une œuvre d’une beauté plastique étonnante qui puise son formalisme dans un genre inattendu : le giallo. Définissant lui-même son travail comme un « film d’horreur centré sur les sentiments », Costanzo emprunte le meilleur au genre cher à Dario Argento : thématique de l’enfance traumatisée, jeux de couleurs et de miroirs, onirisme sombre, symbolisme exacerbé, côté sensitif et musique raffinée. Comme pour mieux signifier la filiation, La solitude des nombres premiers reprend même le thème composé par Ennio Morricone pour L’oiseau au plumage de cristal. Ne manquent donc que les meurtres à l’arme blanche et l’assassin ganté de noir. Au détour de certaines séquences, le cinéaste italien cite aussi la filmographie de Brian De Palma (Carrie en tête) et celle de John Carpenter (via des morceaux de synthétiseur qui sonnent comme du Big John). Un homme de goût ce Costanzo. Les férus de cinéma d’épouvante classieux (clairement pas le public cible) trouveront donc largement leur compte ici. Qui l’aurait cru ?
Verdict :
Une œuvre étrange. Un film à découvrir.
- Making of (27 minutes) : Un supplément dans lequel sont évoqués les personnages, l’histoire, la musique, la gestion des couleurs et la symbolique de certains plans. Des sujets intéressants qui sont malheureusement juste effleurés. Dommage.
- Bande annonce (2 minutes).