Un héros très discret

L'histoire

Albert Dehousse est un enfant timide et solitaire, élevé par sa mère dans une ville du nord. Sa vie se conjugue au passé, dans les livres d'aventure qu'il lit en cachette. Après un mariage banal, il décide, en 1944, de tout plaquer, et se rend à Paris, à la fin d'une guerre qu'il n'a pas vu passer. C'est là que, grâce à divers concours de circonstances, il commence à s'inventer méticuleusement un passé de résistant, en collectant une foule d'information au travers de lectures et de rencontres. Albert Dehousse ne tarde pas à devenir célèbre…

 

 

 

Critique subjective

 

D'abord monteur, puis scénariste sur des films comme "mortelle randonnée" ou "Fréquence meurtre", Jacques Audiard, (le fils de Michel), franchit le pas en 1994, et se lance dans la réalisation avec "Regarde les homme tomber", film noir à l'atmosphère trouble, qui réunit à l'écran les deux acteurs Mathieu Kassovitz et Jean-Louis Trintignant, et qui lui vaut le César du meilleur premier film. Ce sont ces deux mêmes comédiens qu'il retrouve deux ans plus tard pour "un héros très discret", Kassovitz endossant cette fois le rôle principal, Trintignant n'y faisant qu'une courte apparition. Ce second long métrage remporte à Cannes le prix du meilleur scénario.

 

En adaptant à l'écran un roman de Jean-François Deniau, Jacques Audiard signe un film à la mise en scène intelligente. "J'ai toujours trouvé que la vraie vie était insupportable, les vies les plus belles sont celles qu'on invente". Ces quelques mots prononcés par Jean-Louis Trintignant, servent de prologue à l'histoire d'un faussaire hors du commun, un mythomane de génie, Albert Dehousse. C'est l'ascension de cet homme ordinaire au sein d'une période trouble et confuse, que le réalisateur et scénariste construit admirablement, en ponctuant son récit d'interviews et d'images d'archives qui renforcent la crédibilité du récit, en naviguant le long de la frontière floue qui sépare la mystification de la réalité.

 

Albert Dehousse (Mathieu Kassovitz), personnage sans caractère, veule, qui tout jeune déjà s'inventait des qualités d'écrivain en recopiant des passages dans des romans d'aventures, avait trouvé de moyen d'obtenir la reconnaissance de ses proches. A Paris, en 1944, sa rencontre avec Le Capitaine (Albert Dupontel), un ancien résistant, et son entrée au service de monsieur Jo, collaborateur aux multiples relations, sont deux éléments cruciaux à l'origine de son histoire. Dehousse se voit offrir sur un plateau les promesses d'une nouvelle vie. Albert n'est pas opportuniste, il ne fait que saisir l'occasion, avec un grand talent d'assimilation, en appliquant les conseils du Capitaine. "Les vaincus se déguisent en vainqueurs, les lâches en héros, les méchants en gentils, avec un peu de talent et d'imagination, il n'y a plus de limite". Dehousse est un héros sympathique, dont l'art du mensonge et de la mystification trouve son accomplissement dans la crédulité et l'aveuglement de son entourage.

 

Rythmé par les pizzicato d'un quatuor à corde, la mise en scène inventive de Jacques Audiard détaille brillamment les mécanismes subtils de l'entrée de Dehousse dans les cercles très fermés du milieu des anciens résistants, puis son accès au ministère, faisant de ce film, un film jouissif, servi par l'interprétation simple de Mathieu Kassovitz, confondant de naturel, secondé par des acteurs comme Sandrine Kiberlain, Albert Dupontel, Anouk Grimbert, Philippe Harel, sans oublier l'intervention du géant Jean-Louis Trintignant. Un sans faute pour un film magnifique.

Nous avons droit à une image nette et précise, sans fourmillement, aux couleurs dont les tons vieillis cadrent avec l'époque représentée, les contrastes sont assez peu appuyés. Le gros souci vient de la compression dont les stigmates sont constamment visibles dans les arrières plans.

En stéréo, avec au choix un sous-titrage en français pour les malentendants, l'unique piste sonore est d'une grande clarté, sans aucun défaut, aux dialogues précis. Cette piste se prête parfaitement à une écoute en mode prologic, le décodeur n'ayant aucun mal à effectuer  une séparation des canaux plus que correcte.

Les suppléments sont à la hauteur du film, constitués essentiellement d'interviews, auxquelles on accède par l'intermédiaire de menus dont le design est en provenance directe de l'habillage de la célèbre chaîne cryptée.



 

Interview de J. Audiard (20mn) réalisée en 1995

Jacques Audiard n'est pas un grand orateur. Cette Interview se révèle intéressante et instructive si on passe outre une diction par moments agaçante. Le réalisateur parle de ses références concernant "un héros très discret": "le chagrin" de Max Ophuls, "la place de l'étoile" de Modiano, frappé qu'il était par la reconstitution d'une époque de la part un auteur qui ne l'a pas connue. L'interview a pour objet principal l'élaboration du film, les questions qu'il soulève. Le cinéaste y aborde quelques réflexions sur l'époque de la fin de la guerre, puis, concernant le film, explique le choix de Mathieu Kassovitz pour le rôle principal, et développe ses idées concernant la conception d'un long-métrage.

 

Interview de Alain le Henry (14mn18)

C'est grâce à l'émission Apostrophe, dans laquelle était invité l'écrivain Jean-François Deniau pour y parler de son livre, que le scénariste Alain Le Henry a découvert l'histoire d'Albert Dehousse. Le scénariste, qui est d'une génération qui n'a pas connu la guerre, explique que ce livre rentrait dans le cadre de ses propres préoccupations. La discussion s'oriente sur la rencontre avec Audiard. Tous deux étaient scénaristes, aux idées communes, entre autres celles de s'émanciper de la tutelle des réalisateurs. Alain Le Henry s'étend sur leur collaboration, leurs méthodes de travail, et sur l'esprit du film qui avait moins le souci d'une reconstitution naturaliste d'une époque que la volonté d'une représentation théâtrale.

 

Scènes commentées (6mn25)

Quelques scènes commentées de manière assez brouillonne par Jacques Audiard.

-Le placard: direction du jeune acteur qui incarne Dehousse enfant

-Le regard de Mathieu: commentaire de la scène dans laquelle Dehousse tombe sur un groupe de résistants en action

-La loge: les préoccupations d'Audiard pour la scène de dîner chez les logeurs de Dehousse

-Les archives: commentaire sur les images d'archive, de propagande, leur rapport au mensonge.

 

Making of (16mn29)

Documentaire sur le film constitué des interventions des personnes qui ont collaboré au "héros très discret". Mathieu Kassovitz et Sandrine Kiberlain parlent de leur personnage, interviewés lors du tournage. On a également droit à l'intéressante intervention de l'écrivain Jean-François Deniau qui résume l'histoire de Dehousse, au sein d'une époque particulière. Le cas de ce "héros très discret" n'est pas inventé, souligne Deniau, qui a connu plusieurs simulateurs qui ont profité de la fin de la guerre pour s'inventer une nouvelle vie.

 

Bande annonce (1mn30)

 

Teaser (28s)

 

Filmographie

- Jacques Audiard

- Mathieu Kassovitz

- Sandrine Kiberlain

- Anouk Grinberg

- Albert Dupontel

 

Collection

Section qui propose les bandes annonces des DVD de la même collection éditée par Canal+ vidéo

-Camille Claudel

-Ran

-Elephant man

-Belle de jour

-Monsieur Klein