Nathalie Adler est en mission pour l’Union Européenne en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite de Macron et Merkel dans un camp de migrants. Présence à haute valeur symbolique, afin de montrer que tout est sous contrôle. Mais qui a encore envie de croire en cette famille européenne au bord de la crise de nerfs ? Sans doute pas Albert, le fils de Nathalie, militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu'il a coupé les ponts avec elle depuis des années. Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique…
« La dérive des Continents (Au Sud) » est un film qui désarçonne, par le choix narratif opéré par le réalisateur et son co-scénariste Laurent Larivière (Je suis un soldat). Car, le film de Lionel Baier s’intéresse à la difficile question de l’immigration et particulièrement la manière dont les pays membres essayent de gérer la situation tendue en Italie, l’une des portes principales du flux migratoire où des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants risquent leurs vies pour venir en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. En situant son propos au moment où le corps sans vie du petit Aylan, 3 ans, est retrouvé sur une plage turque, le réalisateur va alors peindre une série de personnages dont le rapport direct avec le sujet modifie considérablement le point de vue. Nous avons la chargé de mission auprès de l’Union Européenne qui gère bureaucratiquement chaque cas et ne voit plus que des numéros, le jeune idéaliste qui aimerait que les Etats membres fassent plus, et mieux surtout, et les deux représentants des gouvernements Français et Allemand qui veulent du sale, et de la mise en scène pour rendre plus forte la présence des deux dirigeants.
Mais ce qui désarçonne, avec « La dérive des Continents (Au Sud) » c’est le ton utilisé par le réalisateur, qui n’hésite pas à utiliser la comédie et parfois le burlesque pour assouplir son propos et le rendre plus percutant en même temps. Car le film de Lionel Baier s’inspire largement des grandes comédies Italiennes des années 60-70, de Dino Risi (Les Monstres) ou de Federico Fellini (La Strada), pour donner un ton acerbe, presque provocateur, comme lorsque les deux représentants des dirigeants français et Allemands étudient les lieux et particulièrement le français, joué avec suffisamment de cynisme et de drôlerie par Tom Villa (Munch). Les personnages évoluent, cherchent un sens réel à leurs vies et surtout tentent de s’entendre et de se comprendre, particulièrement les deux principaux Nathalie (Toujours impeccable Isabelle Carré (Délicieux) ) et son fils Albert ( Joué par Théodore Pellerin (Le Souterrain) qui joue constamment entre le sale gosse et le jeune homme idéaliste et en colère).
Avec une mise en scène qui passe de plans plus statiques et d’autres qui vont jouer sur les perspectives pour mieux noyer les personnages dans les différentes luttes de sentiments qu’ils traversent, le réalisateur nous entraine dans un film qui va nous faire découvrir une autre vision de ces structures qui accueillent les migrants et de ceux qui en ont la charge, sans pour autant occulter les différents combats autour et bien sûr le glauque comme ces touristes qui viennent, en famille, prendre des photos du camp de rétention, comme un vulgaire site historique ou une attraction du coin. Le ton léger, utilisé pour donner corps à son histoire ne gâche jamais le fait de lever un voile sur un sujet que l’on préféré oublier et laisser à ceux qui en ont la charge.