L'histoire :
Hangi, chef de gang d’un quartier chaud, embrasse de force une jeune fille sur une place publique et se fait gifler par la lycéenne en question. Le »Bad Guy » qu’elle vient de rejeter est un proxénète qui organise une terrible machination pour faire d’elle une prostituée. Il ne sait pas encore qu’il est tombé amoureux d’elle.
Critique subjective :
Avec Bad Guy, Kim ki-duk poursuit son exploration de l’âme humaine et pour y parvenir entraîne le chef de gang, Han Gi (Cho Jae-hyun) et l’étudiante Sun Hwa (Kim Yun-tae) dans une histoire d’amour tortueuse et perturbante. Après avoir humilié et mis sur le trottoir la jeune fille, Han Gi se rend compte qu’il est tombé amoureux de Sun Hwa. Afin de réussir à rendre à l’écran la complexité psychologique des personnages d’un tel amour, Kim Ki-duk s’est assuré de la présence de Cho Jae-hyun, acteur chevronné de la nouvelle vague coréenne avec lequel il signe sa cinquième collaboration. Cho Jae-hyun travaille aussi pour la télévision ou le théâtre (Equus) et tourne également dans le film Sword in the mood (2004), disponible dans la même collection.
Alors que le réalisateur coréen vient de terminer son dernier film, L’arc (2004) dont la sortie est prévue pour décembre 2005,
la découverte de Bad Guy ne manque pas de faire penser au regard que porte le réalisateur sur le rôle et le statut de la femme coréenne dans Adresse inconnue ou Locataires par exemple. En cela, le réalisateur est parfaitement en phase avec les grands courants d’idées qui circulent en Corée du Sud à l’instar de ses contemporains tels que Im Kwon-taek (Ivre de femmes et de peinture, 2001),
Hong Sang-soo (
La femme est l’avenir de l’homme (2003),
Turning gate (2002)) ou Im Sang-soo (
Une femme coréenne). A cet égard, Une femme coréenne (2003) de Im Sang-soo fait parfaitement le pont entre les films de
Hong Sang-so et
Locataires (2005) de Kim Ki-duk. Une dynamique commune alimente le cinéma coréen au travers duquel il est possible de comprendre les grands troubles qui agitent la société coréenne.
C’est tout naturellement que la femme se retrouve au cœur d’une problématique chère à Kim Ki-duk qui explore sous différentes formes la question de manque ou de trop plein d’amour. Les personnages de Kim Ki-duk sont dotés d’affects toujours perturbés par cette variable dont le poids les pousse à adopter des comportements souvent extrêmes. Ainsi le mari jaloux qui finit par battre son épouse faute de parvenir à l’aimer vraiment, la femme battue qui s’invente un amant muet et invisible, les personnages dont la personnalité s’effondre faute de pouvoir en supporter le poids et finissent par se tuer.
Le cinéma de Kim ki-duk se fait aussi l’écho de la situation militarisée liée à la division entre les deux Corée et dont le cinéma coréen ne cesse de parler tout en rêvant d’une réunification. Ainsi dans Adresse inconnue, Kim Ki-duk aborde le problème des enfants métisses issues des amours américano-coréen liés à la présence des bases militaires américaines en Corée, The Coast Guard dépeint la descente aux enfers d’un soldat sud-coréen qui tue un civil par erreur, tandis que
Frères de sang de Je-Gyu Kang retrace l’histoire de deux frères séparés par la guerre de Corée. Même dans une comédie sentimentale et aussi légère que
My Sassy Girl, on retrouve des allusions à la militarisation de la corée.
On retrouve aussi
une expression de la violence toujours présente dans les films du réalisateur sans que cela ne soit vraiment surprenant quand on sait que Kim Ki-duk a décidé de passer à la réalisation brusquement en visionnant
Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven et
Le silence des agneaux ( 1691) de Jonathan Demme lors d’un séjours en France.
On retrouve dans son cinéma une forme d’animalité que peu ont su explorer comme lui. L’île est un conte cruel, adresse inconnue un film qui comporte une certaine violence qui aboutit à la mort de plusieurs des personnages, Printemps, été, automne, hiver... et printemps explore un étrange cycle où les êtres semblent pouvoir hériter de la vie d’un autre non sans violence. Locataires semble se dégager de la pesanteur implacable pour atteindre une forme de légèreté mais contre la violence urbaine, celle de tous les jours que l’on retrouve dans Bad Guy cette fois dans le milieu de la prostitution et des gangs.
Bad Guy, c’est
un film dur dont l’histoire est tout aussi perverse que celle de Old Boy mais qui ménage comme souvent chez Kim Ki-duk des images séduisantes auxquelles ne sont pas étrangères une grande maîtrise de la mise en scène riche en symbolisme. Ainsi perçoit-on la coupure du film au moment où le couple se retrouve sur une plage derrière une femme que l’on ne voit que de dos en train de s’enfoncer dans la mer où elle disparaît après avoir enterré les morceaux de photos déchirées dans le sable. Cette fragmentation fait écho à celle du miroir sans teint brisé par Sun Hwa et derrière lequel se dissimule Han Gi, en situation de voyeurisme … comme le spectateur. Les deux femmes sont les deux faces d’un même personnage qui cherche à recoller les bons morceaux d’une existence et d’une histoire d’amour perverse.
Verdict :
Avec Bad Guy, Kim ki-duk poursuit son exploration de l’âme humaine et pour y parvenir entraîne le chef de gang, Han Gi (Cho Jae-hyun) et l’étudiante Sun Hwa (Kim Yun-tae) dans une histoire d’amour tortueuse et perturbante. Un film qui nous semble un peu moins fulgurant que Locataires par exemple mais est porteur de cette vision propre à Kim Ki-duk et qui fait de lui l’un des réalisateurs coréens actuels les plus perturbant et innovant.