L'histoire :
La belle Ho-jung est mariée à Young-jack, un des avocats les plus influents de Séoul. Sa vie est partagée entre ses courts de danse, ses sorties à vélo, l’éducation de son fils adoptif, les remontrances de sa belle-mère et les derniers instants de son beau-père. Young-jack, lui est accaparé par son métier et ne consacre de temps libre qu’à sa maîtresse, une jeune photographe. Doucement, Ho-jung va décider de céder aux avances de son voisin, un adolescent qui l’observe tous les soirs par la fenêtre …
Critique artistique :
Entre
Hong Sang-soo et
Kim Ki-duk l’on pouvait évoquer d’autres réalisateurs asiatiques comme le Hongkongais
Wong Kar-wai. Mais ce serait aller trop loin alors que le réalisateur coréen Im Sang-soo signe avec Une femme Coréenne le film chaînon-manquant entre le cinéma de
Hong Sang-soo (
Turning Gate, la femme est l’avenir de l’homme) et celui du
kim Ki-duk de
Locataires notamment.
Une femme Coréenne est le troisième film de Im Sang-soo qui s’attaque aux mêmes questions qu’a exploré Hong San-soo dans La femme est l’avenir de l’homme et
Kim Ki-duk dans l’excellent
Locataires mais en proposant de les intégrer à l’histoire familiale de l’avocat Young-jak. Im Sang-soo avait déjà porté le thème de la femme libérée des tabous avec son premier film Girls’night out (1998).
En tant que film consacré à la famille coréenne et aux problèmes qu’elle rencontre, il était normal que le réalisateur y aborde le problème de la séparation des deux Corée. Le thème de la division des deux Corée revient en filigrane dans le film l’espace d’une courte discussion entre l’avocat et son fils a à propos du grand-père récemment décédé qui avait perdu toute sa famille restée en Coré du nord durant la guerre que le décrit le film
Frères de sang (2004) du réalisateur Jae-Gyu Kang. Im Sang-so est revenue récemment et de manière frontale sur cette problématique avec son film satirique The President's Last Bang (2005) qui revient sur les dernières heures du président de la Corée, Park Chung-hee, assassiné en 1979.
La position de la femme dans la société coréenne a beaucoup évolué depuis celle qui lui était dévolue dans la société traditionnelle coréenne. Elle devait suivre la morale confucéenne, être patiente, vertueuse et surtout donner un héritier mâle pour perpétrer la lignée familiale. Le couple qui est au centre de l’histoire de Im Sang-soo chérit d’ailleurs un fils adoptif. Le film décrit des histoires parallèles de femmes qui prennent leur indépendance à des âges différents.
Im Sang-soo livre un regard plutôt lucide sur la société coréenne et affirme : " Une femme coréenne est l'histoire de ma vie, celle de ma femme, celle de ma famille, celle de mes amis. Cette génération [celle des années 80] a été la première à profiter d'une Corée nouvellement démocratisée, et de l'émergence du féminisme. [...] Le problème est que la Corée n'avait qu'une vague connaissance de ces valeurs que sont la démocratie et le féminisme, et qu'aujourd'hui les Coréens ont du mal à mettre en pratique ce qui n'était que de lointaines théories. Cette génération s'efforce d'être heureuse, mais se heurte à la difficulté d'appliquer son nouveau statut de génération libre."
La femme de Hong Sang-soo et de Im Sang-soo partage le besoin d’accéder à une sexualité épanouie qui s’accommode difficilement avec la conception traditionnelle de la femme soumise au cadre normatif de la société et dévouée à l’homme pour lequel elle se doit d’enfanter un fils. La femme muette de Locataires de Kim Ki-duk veut vivre autre chose que la violence et la brutalité d’un mari qui veut contrôler sa vie. Kim Ki-duk trouve une solution très originale pour qu’elle y parvienne en créant la rencontre avec un amant qui n’est visible que pour elle.
Une femme coréenne suggère que la parole des femmes est trop forte pour que les oreilles de l’homme puissent les entendre et la supporter. Ainsi, on assiste à une conversation nocturne entre Byung-Han la grand-mère, son fils Young-jack, Hojung l’épouse du fils et Sooin le petit-fils adoptif. La scène est cadrée en plan large et en plongée au-dessus des quatre personnages couchés l’un à côté de l’autre permettant une grande proximité et faisant ainsi participer le spectateur à cette scène familiale. Cependant, Im Sang-soo s’assure que le petit-fils soit endormi et que le fils se bouche les oreilles pour ne pas entendre. Seule la belle-fille écoute et sourit.
Im Sang-soo emploi d’ailleurs à plusieurs reprises ce type de plan en plongé voire pratiquement de dessus qui permet de cadrer plusieurs personnages couchés dans le même lit comme c’est le Cas vers la 10ème minute avec le couple et leur fils ouis plus tard lorsque la belle-mère de l’avocat, son fils, son petit-fils et la belle-fille sont couchés côté à côté. On obtient un effet qui est particulièrement saisissant quand on assiste à une projection sur grand écran. L’impression de dominer la scène tout en en faisant partie nous met réellement en situation de spectateur ce qui soit dit en passant n’arrive pas si souvent.
Verdict :
Une femme coréenne est un film trait d’union entre La femme est l’avenir de l’homme de Hong Sang-soo et Locataires de Kim Ki-duk. Ce film offre une vision lucide sur les troubles contemporains qui agitent la société coréenne tout en consacrant la femme en tant que nouveau vecteur d’avenir.