L'histoire :
A Hong Kong, en plein jour, une fusillade éclate entre gangsters et policiers. Filmé par des caméras de télévision, l’affrontement se termine par la fuite des gangsters, ridiculisant les forces de l’ordre. Décidée à redorer son blason, la police réplique en orchestrant l’arrestation des criminels en direct à la télévision. Mais les gangsters sont eux aussi décidé de se servir de la télévision contre la police. La guerre du sang et des médias s’engage.
Critique artistique :
Il devient difficile de dire que l’on ne connait pas
Johnnie To, le réalisateur, le metteur en scène, le producteur que l’on sait très souvent associer à Wai Ka Fai, son complice et associé dans leur compagnie de production Milkyway Image Production et que l’on peut désormais considérer en tant que photographe. En effet, Johnnie To a organisé sa propre exposition de photos à Hong Kong lors du Filmart et il est prévu qu’elle soit présentée dans différents festivals dans le monde. En attendant de pouvoir visionner The Sparrow, son prochain long-métrage, on peut se procurer
Running on karma (2003) et PTU (Police tactical unit) (2003) distribué par Asian star, ou se laisser tenter par les kitchissimes
The Heroic trio 1 & 2 (1993). Récemment on avait pu découvrir Election (2005) tandis que sont annoncés deux projets d’envergure : un thriller policier (sans tires pour l’instant) coréalisé par les réalisateurs
Tsui Hark (Time and tide et
Seven swords),
Johnnie To (
The Mission, Election) et
Ringo Lam (City on fire et Replicant) et un remake hollywoodien de A toute epreuve (1992) de
John Woo.
On peut attendre beaucoup des futurs films de
Johnnie To qui devrait tourner un peu moins ce qui devrait lui permettre de peaufiner ses réalisations. Il suffit d’imaginer ce que pourrait être Breaking News si l’ensemble de son film avait le niveau de qualité de son plan séquence d’ouverture durant à peu près 7 minutes et considéré par Jean-Pierre Dionnet comme l’un des trois plus beaux plan séquence de l’histoire du cinéma avec les films La soif du mal (1958) d’
Orson Welles et I am Cuba (1964) de Mikheil Kalatozishvili. On avait déjà pu juger du talent de mise en scène de Johnnie To dans l’étonnant Running on Karma où le réalisateur s’ingéniait à jouer avec différents genres ce qui aurait pu déboucher sur un fiasco mais s’avère au contraire assez passionnant à suivre.
Dans Breaking News,
Johnnie To expérimente plusieurs formes de narration et de techniques cinématographiques. Ainsi au plan séquence d’ouverture où la caméra se ballade probablement à l’aide d’une louma, succède un montage cut dynamique puis on retrouve le split-Screen qui permet de couper l’écran en deux afin de mettre en parallèle les flics et les voyous que le réalisateur s’amuse à montrer en champs contre champs et en chasser croiser (45 ème mn) dans l’espace clos d’un immeuble qui devient alors une sorte de labyrinthe. A cela se rajoute une mise en abîme de la représentation de la réalité par écrans interposés de téléviseurs, de téléphones portables ou d’écran d’ordinateur.
Chez
Johnnie To il y a certains effets de mise en scène qui peuvent s’avérer aussi évidents pour ne pas dire faciles qu’efficaces comme quand il illustre l’approche de Rebecca, la jeune femme policier par le chef de la police avec une musique jazzie (15 ème mn) qui résonne comme une invite à la drague. Hormis ces petites facilités, on retrouve un sens aigue de la mise en scène, et de la caméra qu’il sait rendre à la fois mobile et peu invasive en tournant autour des personnages comme pour leurs redonner une forme de tridimensionnalité que l’image rectangulaire aurait tendance à annuler. Les personnages sont ainsi scrutés plus ou moins frontalement mais avec proximité et humanité que l’on gagne à regarder sur grand écran tant ce type de cinéma est celui de l’espace à la fois ouvert et balisé de la ville. Certains objecteront que les échanges de coup de feux nombreux lors de la fusillade inaugurale manque d’un peu de crédibilité si l’on en juge par le peu de victimes qu’un tel affrontement devrait causer. Cependant on peut aussi considérer que la surprise et la rapidité de l’action rendent la situation hasardeuse et que Johnnie To se sert également de cette séquence pour poser les bases de l’intrigue.
L’affrontement entre les criminels et la police est très vite mise en place avec plan séquence d’ouverture ce qui constitue une bonne mise en bouche et impose un rythme que la guerre des médias va soutenir par la suite. Breaking News est intéressant car on peut le percevoir à la fois comme un film sur les rapports entre flics et voyous mais également comme une illustration de ce qu’on appelle le quatrième pouvoir (le pouvoir des médias) et de son instrumentalisation. L’histoire permet de mettre très sérieusement en question toute tentative d’instrumentalisation des médias dans une société démocratique moderne et en réseau où par définition presque tout citoyen peut être un média. A vrai dire le cirque médiatique organisé par la police et que certains intervenants (comme un acteur connus par exemple) viennent entretenir contribue à décrédibiliser toute tentative de communication de la part de la police d’autant que la surenchère finit par devenir hilarante. Voir des dizaines de policiers en mission obligés de faire une pause casse-croûte afin de servir un plan média est assez comique.
Verdict :
Une fois de plus Johnnie To délivre un film qui à défaut d’être un chef-d’œuvre offre l’avantage d’apprécier l’étendue de son talent et son intérêt pour la mise en scène. Breaking news est supérieur à Running out of time tout en conservant quelque chose de l’identité artistique que l’on trouve dans Running on karma (2003) tourné un an plus tôt. Un film qui constitue un bon divertissement et que l’on peut décortiquer afin d’en extraire certaines trouvailles de réalisation.