L'histoire :
Au lendemain du 11 septembre 2001, des voix se sont fait entendre, partout dans le monde, pour accuser les Juifs d'avoir commandité les attentats de New York et Washington... Une telle mystification n'est pas sans rappeler celle des tristement célèbres Protocoles des Sages de Sion, prêtant aux Juifs depuis plus d'un siècle l'intention de prendre le contrôle de la planète.
Frappé par le regain d'antisémitisme qui sévit dans son pays, Marc Levin part à la rencontre de tous ceux qui persistent à croire que les Juifs ont orchestré le 11 septembre - et qui contribuent à faire des Protocoles des Sages de Sion un best-seller. Son périple au coeur de la haine et de l'intolérance commence...
Critique artistique :
Les protocoles des sages de Sion, est sans doute la plus célèbre des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du "complot juif mondial" qui rentra naturellement en résonance avec la théorie du complot américain ayant débouché sur la chasse au sorcières dans les années 50. Les protocoles parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, forment un texte connu sous deux versions proches, éditées en Russie, d'abord partiellement, en 1903, dans le journal Znamia, puis, dans une version complète, en 1905 et en 1906. Ils se présentent comme le compte rendu détaillé d'une vingtaine de réunions judéo-maçonniques secrètes au cours desquelles un "Sage de Sion" s'adresse aux chefs du peuple juif pour leur exposer un plan de domination de l'humanité.
Les Protocoles sont en fait portés à la connaissance du grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant "La fin des Protocoles" et en publiant la preuve du faux. Pierre-André Taguieff qui a enquêté sur le sujet, raconte dans les bonus l’incroyable histoire de ce faux qui a été écrit en France par un russe en procédant au décalque d'un pamphlet français contre Napoléon III. Le faussaire des Protocoles avait remplacé "la France" par "le monde" et "Napoléon III" par "les juifs". La démonstration de la falsification apportée par le Times n'entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d'être présentés en Europe comme la "preuve" du "complot juif international", tout au long des années 30. Le faux fait l'objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c'est une maison d'édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu'en 1938.
Bien que Les protocoles des sages de Sion n’aient jamais cessé de circuler depuis leur première publication en 1905 et que la seconde guerre mondiale et la propagande nazie en aient considérablement accéléré la diffusion, ils avaient en apparence trouvé un peu moins d’écho à partir des années 50 dans le grand public après la création d’Israël en 1947-48. Cependant, la vente de nombreux exemplaires des protocoles après les attentats du 11 septembre 2001 a coïncidé avec une rumeur – « Les protocole de la rumeur » est un titre fort bien trouvé pour l’édition française - véhiculant l’idée perfide qu’il n’y avait pas eu de juifs morts dans l’effondrement des tours du World Trade Center. Ainsi, les juifs auraient été avertis des attentats puisque la rumeur veut qu’ils complotent pour devenir les maîtres du monde. Bien entendu tout cela est faux et ne résiste pas à l’analyse des faits à laquelle procède Marc Levin.
Le réalisateur est un habitué du documentaire et a préféré mettre en correspondance des témoignages de communautés américaines différentes. Ainsi l’on comprend pourquoi et comment les Protocoles ont pu accompagner les théories xénophobes depuis plus d'un siècle. En 1927, Henry Ford déclarait dans son journal qu'ils étaient parfaitement en adéquation avec la situation mondiale et en offrait un exemplaire à qui achetait une Ford tandis qu’Adolf Hitler, soutenait l'incomparable lumière jetée par Les protocoles sur le mensonge Juif dans son livre, Mein Kampf (aussi intitulé « Mein Kampft » ce qui signifie « Ma connerie » par certains). Alors que l’histoire des Protocoles est aujourd’hui parfaitement connue, leur texte est disponible sur de nombreux sites néo-nazis. A la propagande néonazie ou à la certitude de certains quand à l’authenticité des protocoles, répond l’étonnement ou l’inquiétude des juifs dont Marc Lévin capte les témoignages sans se dérober aux rencontres avec des personnages controversés tels que Shaun Walker, leader du groupuscule néonazi National Alliance ou le discours raciste et antisémiste des prisonniers interviewés en prison. Entre le révisionnisme des gens de la rue et celui du père de
Mel Gibson (
Passion, 2004) par exemple, Les protocoles de la rumeur dessine une vision critique d’une Amérique dont la candeur imbécile de certains représentants a de quoi exaspérer.
Verdict :
Les Protocoles des Sages de Sion est la plus célèbre des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du "complot juif mondial" que le documentaire de Marc Levin achève de démasquer. Cette édition DVD arrive à point nommé pour démasquer un texte que l’on peut considérer autant comme une insulte à l’intelligence que comme le fondement d’une des rumeurs les plus dangereuses du XXème siècle.