L’œil se met à enquêter sur une jeune criminelle qui mène une vie d’aventurière en assassinant et dévalisant les gens riches. Cet ange de la mort change de nom comme de visage, sème les cadavres sur son passage, assassine et dépouille froidement ceux qu’elle suit.
Comme une sorte d’intuition inattendue, TF1 Vidéo, nous offre la possibilité de retrouver le comédien récemment disparu, Michel Serrault (La cage aux folles, Le papillon), dans l’une de ses compositions les plus marquante au cinéma, celle de "l’œil" dans « Mortelle Randonnée » de Claude Miller (La petite voleuse, Garde à vue). Un rôle marquant, parce que fascinant. L’acteur y interprète un enquêteur errant dans la vie comme une âme en peine, qui retrouve une lueur d’espoir en croisant le parcours de cette meurtrière, dont la jeunesse et la beauté lui rappellent sa fille disparue. Avec cette singularité qui le faisait unique, Michel Serrault crée un personnage aux multiples contradictions, tantôt émouvant, tantôt drôle, tantôt acide, tantôt inquiétant. L’acteur parvient avec une évidente facilité à brouiller les pistes à l’image de la jeune fille qu’il suit dans ses périples. Une composition qui nous rappelle le talent incroyable de ce comédien marquant. Car ce dernier utilise avec habileté son regard, son charisme et inonde l’écran d’une ambiguïté sans équivalence.
Associé au talent mystique de la belle Isabelle Adjani (L'été Meurtrier, La reine Margot), qui prend un plaisir évident, à jouer ce caméléon féminin, l’ensemble devient un véritable chef-d’œuvre du polar à la française. Inquiétant, destabilisant, mâtiné d’une beauté surréaliste, « Mortelle Randonnée » transporte le spectateur dans un univers opaque et limpide à la fois, qui ne cesse d’utiliser des fausses pistes pour mieux troubler les esprits. Michel Serrault joue la folie amoureuse à la perfection et Isabelle Adjani utilise la séduction pour la rendre plus coupable encore. Une rencontre jouissive au plus haut niveau, d’autant que le scénario est à la hauteur du talent des acteurs.
C’est certainement là d’ailleurs que réside la grande réussite de ce grand moment de cinéma qu’est « Mortelle Randonnée », car Claude Miller à qui l’on devait déjà le très réussit « Garde à vue », en s’associant une nouvelle fois avec Michel Audiard, élève son histoire au rang de référence cinématographique et scénaristique incontournable. Car le scénariste, qui signait là l’une de ses toutes dernières œuvres, utilise une fois de plus les mots comme autant de clé pour définir à la fois la fascination et la folie qui s’empare, semble-t-il, petit à petit du personnage principal. Si la verve est reconnaissable, le style ne manque pas d’intérêt. Michel Audiard façonne les mots pour mieux en extraire l’ambiguïté et entraîner ainsi le spectateur dans une intrigue oppressante autant que fascinante, semant constamment le trouble dans les esprits pour ainsi mieux utiliser les fausses idées afin de mieux les exploiter.
La réalisation est aussi à souligner, car Claude Miller réalise là une œuvre marquante et incontournable du cinéma français, œuvre qu’il semblait avoir déjà été amorcée avec son précédent : « Garde à vue ». Portée par des dialogues impeccables et des acteurs, Michel Serrault en tête, incroyablement juste, « Mortelle Randonnée » est un film parfaitement maîtrisée où chaque plan est un bijou de professionnalisme. La caméra se pose en témoin, magnifie le visage d’Isabelle Adjani et devient même parfois le personnage principal. Une ambiguïté que le réalisateur ne cesse d’exploiter pour mieux se fondre dans la trame de son œuvre.
Maintenant, « Mortelle randonnée » vient de pénétrer dans le panthéon des films cultes, plus que marquants, puisque porté par un acteur hors du commun, inoubliable en bien des points. Si l’on se souvient du talent des comédiens après leur disparition, dans le cas de Michel Serrault, on peut dire que son talent a dirigé le cinéma français. Comme Charlie Chaplin en son temps, qui pouvait autant émouvoir que distraire, Michel Serrault fût à la fois le clown blanc et l’Auguste, à la fois drôle, à la fois tendre. Toujours juste, souvent tendre, impeccable qu’il soit dure, ou qu’il soit cabot. Plus qu’une étoile qui vient de s’éteindre, Michel Serrault est un astre qui vient de rejoindre les éternels qui ont marqués et construits le cinéma français. Au-delà de « La cage aux folles », l’acteur interpréta une multitude de personnages qui n’ont eu qu’un point en commun : La beauté du jeu de ce comédien, qui ne faisait jamais la même prise, par talent comme par cabotinage.
En conclusion, adieu Monsieur Serrault, que votre talent illumine le monde que vous avez rejoint, autant que le bonheur qu’il nous apporta, comme ce « Mortelle Randonnée ».