1815. L’impitoyable comte de Nansac fait régner la terreur sur le Périgord qu’il gouverne d’une poigne de fer. Jacquou n’est encore qu’un enfant lorsque son père, opposant à Nansac, meurt au bagne et que sa mère dans un dernier souffle, lui fait jurer vengeance. Enfant brisé, Jacquou grandit sous la tutelle bienveillante du curé Bonal, mais va tirer de sa colère une froide détermination. Décidé à se venger du comte et à rendre justice au peuple opprimé, Jacquou le croquant forgera sa légende en menant la révolte.
Bien, autant le dire tout de suite, il y a du bon et du moins bon dans cette version cinématographique de « Jacquou le Croquant ». Pour finir sur une bonne impression, je pense judicieux de commencer par le moins bon, tant il reste le plus à l’esprit après avoir visionné le film. En fait, il pourrait être question d’ambitions mal maîtrisées. Car tout commence par le héros lui-même. Il semble que les scénaristes Franck Moisnard (Nha Fala) et Laurent Boutonnat (Giorgino) lui-même aient eu peur que l’on oublie le nom du personnage principal. Car « Jacquou » est prononcé dans le film 222 fois environs, ce qui fait à peu près un peu moins deux fois par minute. Si après ça vous l’appelez Astérix, c’est que vraiment vous n’y mettez pas du votre !
Pour l’aspect visuel du film on hésite entre vision limite infantile ou obsession prétentieuse d’une esthétique qui devient vite un peu balourde. Comme le fait, que le temps suivent les errances du personnage. Lorsque quelqu’un meurt, il neige autant qu’en Sibérie, quand il est en colère il pleut, mais quand je parle de pluie on peut aisément évoquer une mousson. Et lorsque ce dernier est amoureux, il roule dans des champs de blé couleur or sous un soleil éclatant. Une sur-stylisation qui devient vite autant fatigante que ridicule. Le trop plein d’image d’Epinal, inspiré des grands films épiques de la gloire d’Hollywood, est beaucoup trop poussé à l’excès pour réellement emporté le spectateur dans l’univers de ce Perigord du début 19ème siècle. Comme la scène où l’un des personnages décide de partir pour Londres et attend le long d’un port digne des aventures de Tom Sawyer. Si ce type de plan est particulièrement valorisant dans un clip vidéo, il pose la question de la crédibilité dans un long métrage.
Pourtant cette sur-stylisation peut aussi être considérée comme une véritable bonne idée. Car tout en souffrant de plans un peu prétentieux, de ralentis incessants soulignant tous les actes de bravoures, Laurent Boutonnat parvient à créer un réel univers propre à son personnage et à sa vision du monde qui l’entoure. Ainsi la scène de bal particulièrement impressionnante dans sa mise en scène tant sur le plan comédie que sur le rythme met en valeur les idées du réalisateur, comme celle de maîtriser le rythme pour souligner les dualités des personnages. Même si certain peuvent trouver cela prétentieux, il n’en demeure pas moins une preuve de grande maîtrise et surtout un sens inné du spectacle, comme seul semblait l’avoir jusque là un monsieur comme Luc Besson. Laurent Boutonnat utilise sa caméra pour mieux capter les ondes de son sujet. Il explore les regards (un peu trop d’ailleurs, surtout concernant le jeune Léo Legrand), survole les campagnes, crée un univers entier par le biais de son objectif, au point de dépayser totalement le spectateur et ainsi de l’emmener dans les méandres d’un conte de fées sordide où les puissants détruisent les plus faibles jusqu’à ce que ces derniers se rebellent et inversent les rôles.
L’autre bonne idée du réalisateur réside dans le choix de Gaspard Uliel (Un long Dimanche de Fiançailles) pour interpréter Jacquou. Ce dernier impose son jeu et son physique à ce personnage aussi charismatique que torturé par la vie, elle-même. Le comédien entre dans la cour des grands, bien avant « Hannibal ». Grâce à cette maîtrise de son personnage, il parvient à dominer de bout en bout les autres comédiens tels que Albert Dupontel (Le convoyeur, Bernie) ou encore Malik Zidi (Gouttes d'eau sur pierres brûlantes). Des comédiens qui en font juste assez pour ne pas sombrer dans la caricature, ce qui est assez décevant concernant Albert Dupontel qui s’était vu beaucoup plus inspiré dans d’autres rôles.
En conclusion, un film où l’esthétique prétentieuses cottoie les idées bienvenues, où les idées particulièrement convenues et parfois indigestes provoque une sorte d’état de grâce insolite. L’exacte opposé de la série des années 60 qui pêchait par sa lenteur, « Jaquou le croquant » de Laurent Boutonnat pêche par sa recherche incessant de rythme. On notera toutefois que malgré ces défauts, ce film à le mérite de vouloir redonner vie à un style de cinéma français quelque peu moribond.