L'histoire :
Nishida, étudiant sans le sou, emménage dans une misérable pension de famille de banlieue, près d’une base militaire américaine. Prostitution et marché noirs rythment la vie du quartier où le yakuza Jo (Tatsuya Nakadai) fait régner la terreur. Un jour, la propriétaire décide de revendre son terrain à un investisseur pressé. Elle charge le terrible Jo et sa bande d’expulser ses locataires. Nishida refuse de quitter les lieux, moins par solidarité avec les malheureux pensionnaires que par défi envers Jo : il veut lui reprendre Shizuko, violée par le yakuza et devenue esclave de ses sentiments ambigüs.
Critique artistique :
Un des cinéastes les plus méconnus du japon se voit rééditer dans la collection "Les introuvables" de Wild Side. C'est "Rivière Noire" son premier film après-guerre, qui se voit restauré aujourd'hui. On aurait pu s'attendre à la réédition de sa célèbre trilogie, qui lui vaudra la reconnaissance internationale lors de sa sortie . Mais il n'en est rien, revenons donc sur cette oeuvre qui n'est pas non plus son premier essai. Rivière noire (Kuroi Kawa) réalisé en 1957, incarne très bien la filmographie du réalisateur puisque prenant place entre les années 40 et 60, une période récurrente dans l'oeuvre de Masaki Kobayashi. Méconnus peut-être, mais pas inconnu Masaki Kobayashi que l'on surnommait aussi le plus français des réalisateurs japonais quitte son île natale pour venir étudier son art en France avec l'espoir de travailler auprès de François Truffaut pour qui il voue une certaine admiration, malheureusement celui-ci est aux Etats-Unis. Habitué des films au réalisme social, sa filmographie voit aussi des essais dans le genre fantastique avec notamment "Closing Time" qui reçut le Grand Prix du 8eme Festival du Film Fantastique de Yubari.
Rivière Noire, se place donc dans la veine du film social que Masaki Kobayashi affectionne. En effet, on s'attarde ici sur la classe des miséreux, les laissés pour compte, ceux qui ont perdu la guerre, les survivants en fin de compte... Un sujet très peu souvent abordé dans le cinéma et même l'art japonais en général. Les échos sur le thème des "délaissés par la société" ne sont pas légion et c'est ainsi qu'on en vient assez rapidement à le comparer à un "Dodes Kaden" ou "Les Bas Fonds" du maître Akira Kurosawa ou encore au travail de Mizoguchi pour ses portraits féminins déchus. Il se place dès lors comme un des réalisateurs engagés du Japon qui ne fait pas dans le compromis au risque de déplaire à une partie du public.
La justesse du propos et la direction des acteurs crée autour de ce film cette impression de réalisme presque documentaire. On discerne déjà là un grand talent dans la mise en scène et dans le découpage cinématographique, annonciateurs des futurs très bons films de Masaki Kobayashi. On découvre d'ailleurs des acteurs qui deviendront célèbres par la suite ainsi on peut voir Tatsuya Nakadaï (Ran, Kagemusha) âgé de 27 ans, Fumio Watanabe que l'on retrouve chez Ozu, Ineko Arima aussi dans Fleur d'Equinoxe (Higanbana) d'Ozu et Chrysanthèmes tardifs (Bangiku) de Mikio Naruse. À noter aussi que Nagisa Oshima à qui l'on doit Furyo, Tabou ou encore L'empire des sens, fut présent sur le tournage en tant qu'assistant réalisateur.
L'immersion dans ce Japon en crise est donc quasi parfaite, sans être un chef d'oeuvre comparable aux autres grands maîtres du cinéma japonais, il n'en reste pas moins un très bon film qui ravira les curieux de cette période très peu traitée dans le paysage culturel japonais. Un rappel poignant qui souligne les moments de crise que les survivants d'après-guerre ont du traverser. Sans jamais être moralisateur Masaki Kobayashi trouve ici un ton approprié à ce drame délicat et qui arrive à exprimer le réel sans jamais l'idéaliser bien qu'officiant dans un carcan de fiction.
Verdict :
Un film au réalisme poignant qui dépeint une situation instable dans un Japon d'après guerre honteux, avec de très bons jeux d'acteur dont particulièrement celui de Tatsuya Nakadaï et d'Ineko Arima, le couple maudit. Une vision sombre qui dépeint les spéculations du logement au profit des yakuzas locaux et autres opportunistes. Un film réussi qui marque par sa simplicité de narration et le pathétisme qui s'en dégage.
La copie du film qui a servi au télécinéma était de bonne qualité. La compression n'en souffre quasiment pas et aucun algorithme de compression n'est décelable. Un travail honnête quand on sait que les films noir et blanc possèdent moins d'informations à encoder que ceux en couleur. Les contrastes sont bien ajustés et ils vous sera nécessaire de vous assurer que votre matériel est bien calibré pour pouvoir en bénéficier au maximum. À noter cependant quelques variations de luminosité sur certaines scènes certainement du à la version d'origine, on aurait aimé que le travail de restauration corrige ces erreurs.
Comme souvent dans ce genre de sorties, la restauration s'attarde sur l'image et moins sur le son. L'unique piste vo est donc en mono mais la dynamique générale du film est assez bien retranscrit, les dialogues sont très perceptible tandis que les ambiances ainsi que les musiques restent elles aussi intelligible.
Pas grand chose du côté des suppléments. Une galerie photo issue du tournage, une filmographie complète du réalisateur et quelques liens internet, rien d'incontournable. En revanche, les menus sont de toute beauté à l'accoutumée chez Wild Side pour leur collection "les introuvables".