A Montaudan en 1944, le chirurgien Julien Dandieu mène une vie paisible avec sa femme Clara et leur fille Florence. Seulement dans le contexte de cette guerre qui ne semble avoir de fin, Julien demande à son ami François, membre de la résistance, de conduire Clara et Florence à la campagne. Une semaine plus tard, ne supportant plus leur absence, il décide de les rejoindre et découvre avec effroi que les allemands ont semé la terreur dans le village.
D’abord couronné de trois césars (Meilleur acteur, meilleur film et meilleur musique), « Le vieux fusil » est un film fort, d’une intensité rare. Enchainant les flash-back pour mieux faire ressortir le manicheisme de la trame, Robert Enrico (Le secret) fait preuve d’une incroyable maitrise et nous plonge du même coup dans toute l’horreur d’un drame comme on n’en voit encore maintenant au cœur des conflits dans le monde entier. Le réalisateur maintient la pression en n’hésitant pas à pousser le spectateur au cœur de l’innomable. Narrant une histoire inspirée d’un fait réel (Le drame d’Oradour sur Glane) avec autant de froideur que de chaleur face à un sujet qui demandait beaucoup de finesse dans le traitement. Car ici, le parti pris est évident, mais il ne fait que démontrer les errances des hommes dans des conflits ou le bien et le mal finissent pas se confondre au point de faire surgir les pires instincts bestiaux.
Et les scénaristes d’ailleurs ne s’y sont pas trompés. Pour mieux montrer toute l’horreur du mal, il faut parfois caricaturer le bien. Et les flash-back sont effectivement là pour montrer toute la beauté de l’union de Clara et Julien. Un bonheur parfois de cartes postales, qui se montre un peu plus nuancé au fur et à mesure que l’action avance. Le scénario parvient avec brio à mettre en avant cet état de l’esprit qui efface l’obscur pour mieux garder la lumière de l’existence. La vengeance de Julien ne devient qu’un pretexte pour mettre en avant le drame de ce village, victime innocente d’une guerre entre deux clans et d’une soif de vengeance aveugle d’une armé en déroute. Pour mettre en couleur cette obscure partie de l’histoire, il fallait autant d’intelligence que de naïveté. Une alchimie que Robert Enrico, Pascal Jardin (Le toubib) et Claude Veillot (Tir Groupé) ont su parfaitement maitrisé.
Mais « Le vieux fusil » c’est l’incroyable prestation de Philippe Noiret (Alexandre le bienheureux) qui donne à son personnage une froideur terrifiante. L’acteur est magnifique et montre toute la maitrise de son art en interpretant cet homme rongé par la vengeance et déchiré par la douleur d’avoir perdu les êtres les plus chers. Pour lui donner la réplique Romy Schneider (La banquière) est un choix idéal. L’actrice dépasse de très loin le faire-valoir de charme et parvient à donner à son personnage un relief à la hauteur de l’histoire et efface tout en l’assumant avec brio le côté parfois lisse du rôle. Le duo prend corps et assume son décalage pour mieux valorisé ce lien qui unit Julien et Clara.
En conclusion, « Le vieux fusil » est sans aucun doute l’un des plus grand chef d’œuvre de l’histoire du cinéma français. Parfaitement réalisé par un Robert Enrico particulièrement inspiré, le film brille par l’interprétation de son acteur principal certainement au sommet de son art.