À l'exception du rafraîchissant Ori and the Blind Forest, ce début d'année 2015 est bien loin de nous avoir rassasié à la hauteur de nos espérances. Quelques semaines après The Order 1886, une nouvelle exclusivité PS4 a retenu toute l'attention : Bloodborne. Cette nouvelle production From Software, derrière qui l'on retrouve Hidetaka Miyazaki, créateur de la célèbre série Souls (Demon Souls, Dark Souls), s'annonçait sous les meilleurs auspices. La réalité va bien au-delà.Bloodborne suit une trame scénaristique très singulière, il faudra s'armer de patience avant de connaître les vrais tenants et aboutissants de l'intrigue, puisque les seules informations données en début de partie sont relativement maigres. La seule chose d'acquise, c'est que l'on atterrit dans la cité de Yarnham en pleine nuit de chasse. Les rues sont infestées de monstres, alors que les seuls humains encore en vie semblent avoir sombré dans la folie, ou presque. L'objectif en toile de fond est de faire la lumière autour d'une mystérieuse thérapie du sang prodiguée par l'église.
En complément du récit, le background du jeu constitue à lui seul un élément narratif à part entière, les environnements (somptueux) aux inspirations gothiques et victoriennes, et l'atmosphère mystérieuse et suffocante qui s'en dégagent, font figures de véritables personnes à part entière. En comparaison de Demon Souls et Dark Souls, Bloodborne passe un vrai cap à ce niveau-là. Cependant, aucun indice évident ne vient émailler notre progression, pas même une petite carte, d'où l'importance de porter une grande attention aux discours des PNJ. Le joueur doit trouver son chemin par ses propres moyens et faire appel à son sens de l'orientation. Au premier abord, le processus paraît peu évident, surtout durant les premières heures, mais la construction des niveaux est suffisamment bien pensée pour que le joueur ne se sente pas voué au désarroi. D'autant plus que l'aventure s'annonce des plus longues, à l'heure ou la moyenne des jeux est aujourd'hui (malheureusement) située autour de la dizaine d'heures – au mieux -, il faudra compter une bonne quarantaine d'heures de jeu avant de voir le bout du tunnel. Et encore, sans compter les donjons Calices !
La chasse est ouverteAvant de débuter l'aventure, un vieillard nous propose de signer un contrat avant de fouler les terres de Yarnham, un moyen d'introduire l'outil de création de son personnage. Cette phase de création offre de très nombreux paramètres pour affiner les traits physiques de son chasseur – ou chasseuse -, mais également définir un tempérament afin de privilégier la force, l'endurance, la dextérité, etc. Une fois l'étape terminée, l'aventure peut débuter.
Même si le jeu conserve quelques éléments de la série Souls en matière de jouabilité, citons notamment le système de verrouillage des ennemis, la gestion de la barre d'endurance, ou encore les points de sauvegardes. Néanmoins, là où Dark Souls jouait exclusivement sur la notion d'attaque-défense, Bloodborne adopte une approche sensiblement différente, la défense étant basée sur un système d'esquive. Ce changement induit un degré d'exigence élevé, plus encore qu'il ne l'était dans les précédentes productions From Software. Avant de se hasarder à attaquer un monstre – qui ont pour dénominateur commun d'être particulièrement vicieux…- , il faudra auparavant analyser le rythme des attaques. Pour les boss, absolument monstrueux – dans tous les sens du terme -, cette donnée est encore plus vitale, sous peine de voir sa barre de vie fondre comme neige au soleil. La clé du succès passe par une attention de chaque instant et un parfait contrôle de ses nerfs, chose qui ne sera pas toujours évidente, je vous le concède face à un ennemi d'une dizaine mètres de haut.
Le bouclier est ici remplacé par un pistolet, pour peu que l'on respecte le bon timing, chose moins évidente qu'il n'y paraît, une balle de vif-argent suffit à mettre l'ennemi à terre afin de pouvoir exécuter une mise à mort stylée en pressant la touche R1. Tout aussi exigeant que soit le système attaque-esquive, notamment en ce qui concerne la gestion des barres de vie et d'endurance, il confère aux affrontements une nervosité et une intensité à mille lieues de la série Souls. Les temps morts sont bien rares, les quelques PNJ qui apparaissent ci-et-là seront à certains moments une vraie bouffée d'air, malgré leur folie sous-jacente.
Toujours au chapitre des combats, votre chasseur dispose d'un arsenal relativement intéressant, même si moins fournis que les Dark Souls. Au début de l'aventure nous avons le choix entre une scie-lance, une hache, un bâton pour la main droite, chacune de ces armes dispose d'ailleurs de deux modes : court à une main, ou long à deux mains. La main gauche du chasseur peut accueillir un pistolet de chasseur ou un tromblon de chasseur. Progressivement de nouvelles armes pourront être débloquées : torche, pistolet répétitif, bâton de feu, lance-flamme, fusil, etc. Autant vous dire que l'ensemble de cet attirail ne sera pas trop. Certaines armes provoquent beaucoup de dégâts, mais en contrepartie vident la barre d'endurance en seulement trois coups, alors que d'autres privilégient avant tout la rapidité. En fonction des ennemis, il faudra concilier ces deux approches.
Parlons maintenant de l'évolutivité de son personnage. En plus de son propre sentiment de satisfaction personnelle, chaque ennemi tué rapporte des points d'EXP, appelés ici points de sang. À partir d'un certain total, ces points peuvent être utilisés pour améliorer les compétences de son personnage : vitalité, endurance, force, compétence, teinte sanglante, ésotérisme. Si les premiers niveaux requièrent assez peu de points, c'est une tout autre affaire une fois passé le niveau 40. D'autant plus que pour rajouter un peu de piment, si le personnage meurt avant d'être retourné au Rêve du chasseur (sorte de zone parallèle entre-deux mondes), il faudra recommencer la zone et partir à la quête de votre bourreau. En cas de nouvel échec, l'ensemble des points est perdu. Cruel, et profondément old-school...mais c'est aussi cela qui contribue à faire le charme de Bloodborne.
Ces mêmes points peuvent également servir à acheter des fioles de sang (potions), balles de vif-argent, cocktails molotov, poignards empoisonnés, etc. Dans tous les cas, le farming n'en reste pas moins une composante importante du jeu, engranger quelques niveaux supplémentaires avant de s'attaquer à un nouveau boss étant plus que conseillé… Toutefois, si le challenge paraît trop élevé, il sera toujours possible de faire appel à un joueur en renfort, en faisant sonner la cloche d'appel. Plus rarement, certains PNJ pourront également vous prêter main-forte contre certains boss, histoire d'alléger votre fardeau.
ConclusionDeux ans après sa sortie, la PlayStation 4 se dote de son premier vrai incontournable. Bloodborne est le premier titre majeur de l'année 2015, mais il est aussi et surtout une vraie preuve du savoir-faire de From Software (et Miyazaki) en matière de jeux. Plus nerveux, sombre et exigeant que ses aînés, Bloodborne est tout simplement un hit en puissance. Jamais souffrance n'aura été si plaisante. Ce ne sont pas ses quelques petits défauts (caméra, framerate, temps de chargement) qui viendront entacher le tableau.
Comme nous l'indiquions dans le chapitre principal, les environnements (sombres) aux inspiration gothiques et victoriennes du jeu constitue un outil narratif singulier, merveilleusement bien exploité. Une identité forte que l'on retrouve tout aussi bien en matière de construction de niveaux, malgré l'absence de véritable verticalité, qu'en matière de character-design. À ce titre, le bestiaire est terriblement impressionnant de qualité et de constance, avec une mention spéciale aux boss, pour la plupart titanesques. Graphiquement le jeu chatouille agréablement la rétine, d'autant plus lorsque l'on considère le très grand nombre d'éléments affichés à l'écran et le rendu des effets visuels. Cependant, force est de reconnaître que le framerate est instable par moment, tout comme les temps de chargement s'avère incroyablement longuet (environ quarante secondes). Les développeurs promettent toutefois de corriger le problème dans une prochaine mise à jour.
L'ambiance sonore est tout aussi soigné que l'aspect visuel. Petit première d'ailleurs, Bloodborne est le premier jeu du studio à être entièrement doublé en français. D'autant plus plaisant que les voix sont très crédibles, même si le doublage anglais conserve une toute petite longueur d'avance. Mention spéciale également à la bande-son, absolument superbe avec une très belle utilisation des choeurs. Dans un même temps, on soulignera la qualité du sound-design et son caractère oppressant, il ne sera pas rare de sursauter en attendant des craquements, des hurlements, des bruits de pas sourds, voire dans le pire de cas un ennemi silencieux nous sauter à la gorge sans prévenir.
En complément de l'aventure principale, pour laquelle il faudra compter une bonne quarantaine d'heures avant d'en voir la fin, il sera possible de poursuivre l'expérience Bloodborne. Pour les plus téméraires, une fois le jeu terminé, il sera possible de recommencer le jeu en mode New Game+. Terminé le jeu une première n'a vraiment rien d'une balade de santé, mais se jeter dans le puit une seconde fois avec des ennemis encore plus vicieux et résistants réclame une sacrée dose de courage. Les donjons Calices permettent également de prolonger l'expérience, il s'agit de niveaux supplémentaires, sans aucun lien avec l'histoire du jeu, malgré le caractère intéressant du challenge, leur intérêt demeure très variable.