Paterson vit à Paterson, New Jersey, cette ville des poètes, de William Carlos Williams à Allen Ginsberg, aujourd’hui en décrépitude. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura, qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte pas…
Jim Jarmusch est un réalisateur atypique qui sait, comme personne, filmer des histoires simples portées par la simple poésie des personnages ou des situations dans lesquelles ils évoluent. Ici, le personnage s’appelle Paterson, comme le nom de la ville dans laquelle il habite, où il y est chauffeur de bus et écrit des poèmes sur tout et sur rien. Une petite chose anodine pour un personnage discret autour duquel gravitent d’autres dont les ambitions semblent tourner autour d’une existence sans grandes surprises, si ce n’est celles de la vie quotidienne.
Dans son cercle intime, Paterson partage sa vie avec Laura, une jeune femme positive, qui voit toujours dans ce qu’elle fait quelque chose d’extraordinaire, une clé vers le succès, même infime, mais un succès réel. Et puis il y a Marvin le bouledogue Anglais, l’enfant du couple, celui qui en fait office, qui va se promener le soir et donne à l’existence monotone de son propriétaire l’occasion de trouver un peu de rythme, un peu plus de sociabilité dans un bar où les clients comme le patron vivent au rythme des amours et des confidences des uns et des autres.
Le réalisateur filme le quotidien sans grossir le trait, le plus simplement possible, pour mieux laisser transpirer cette poésie de tous les jours que l’on retrouve dans les poèmes de son héros. Il écrit sur l’eau, les passants, les nuages et toutes les choses qui lui passent par la tête, s’évade sobrement, et le réalisateur film de la même manière pour mieux imprégner le spectateur de la beauté des choses, des sentiments et des émotions des uns et des autres. Il ne suffit pas de d’utiliser des effets spéciaux ou des intrigues tarabiscotées pour pouvoir faire une réussite, il suffit parfois simplement de filmer la nature d’une petite ville de province à travers le regard de personnages simples et pourtant attachants qui sont le reflet de cette ville qui se cherche une identité à travers des personnages connus ou des faits qui auraient pu la rendre célèbre dans sa propre discrétion.
Et pour donner corps à ses personnages, Jim Jarmusch se repose sur des acteurs de talents au charisme discret mais évident. A commencer par
Adam Driver (Star Wars : Le réveil de la Force), dont la nonchalante démarche donne à son personnage tout cette commune mesure avec les gens que l’on croise dans la rue. Mais le jeu de l’acteur, tout en subtilité, vient donner ce qui manque aux gens « normaux » pour briller, attirer l’attention des autres. Face à lui, le sublime Goldshifteh Farahani (Pirates des Caraïbes : La vengeance de Salazar) apporte une fraîcheur dans des scènes quasiment toujours en clair/Obscur. La comédienne rayonne dans sa simplicité et ne force jamais le trait d’un personnage naturellement rayonnant.
En conclusion, ce « Paterson » n’est pas fait pour les amateurs de films torturés, mais plutôt pour ceux qui aiment se poser un soir auprès du feu avec un livre de Baudelaire ou de Rimbaud et plonger ainsi en toute simplicité dans les poésies de ces auteurs classiques