Gabrielle, Elsa et Mao sont frères et sœurs, mais ne se côtoient pas. Surtout pas. La première est « statue » pour touristes, au grand dam de son fils ado. Elsa, elle, est en colère contre la terre entière et désespère de tomber enceinte. Et Mao, game designer de génie chroniquement dépressif, noie sa mélancolie dans l’alcool et la psychanalyse. Quant à leurs parents, Pierre et Claudine, séparés de longue date, ils n’ont jamais rien fait pour resserrer les liens de la famille. Pourtant, au moment de l’enterrement du grand-père, ils vont devoir se réunir, et répondre, ensemble, à la question qui fâche : « Que faire de Mamie ? »
Certains films arrivent comme des petites bouffées d’air dans un quotidien un peu morose, de cette fin et début d’année un peu mouvementés il faut bien le dire. Cette « Photo de Famille » de Cécilia Rouaud (Une Vie Ailleurs) n’est pas, à proprement parlé, une comédie à nous faire hurler de rire, tant ses personnages sont des cabossés de la vie et qu’ils doivent gérer une situation des plus compliquées : « Gérer une grand-mère atteinte de sénilité » (Incroyable Claudette Walker (De Plus Belle)) tout en faisant face à une vie, qui ne leur laisse pas beaucoup de temps pour souffler. L’un est un dépressif chronique, un autre un handicapé du sentiment, une autre est une optimiste forcée et une autre une névrosée colérique permanente. Autant le dire, pas facile de suivre ces personnages dans leurs raisonnements tant ils sont d’une complexité hors normes.
Et d’ailleurs si le scénario, signé de la réalisatrice, grossit le trait, ce n’est que pour mieux mettre en lumière ces dysfonctionnements familiaux que l’on retrouve bien souvent dans toutes les familles, avec ces reproches plus ou moins justes, ces liens indestructibles qui surpassent toutes les tensions. On se dispute, nous ne sommes pas d’accord, on se dit des horreurs ou des vérités, mais au final, nous avons besoin de cette structure familiale, de ce noyau qui ne doit pas se désintégrer et chacun fait en sorte de le conserver intacte. Et alors que chacun se croit différent des autres, rejeté ou abandonné dans sa propre névrose, un événement, une odeur, et surtout des souvenirs viennent raccrocher les wagons. C’est tout ça le scénario de Cécilia Rouaud ! Un melting-pot familial qui vient appuyer là où cela fait mais là où cela fait du bien également. Ilo vient redonner espoir aux familles éparpillées par la vie ou par les différends, d’une possible réunion, dés lors que l’on a l’intelligence ou tout du moins la sagesse de vouloir réparer ce qui ne devrait jamais se casser.
Avec une mise en scène et pourtant dynamique, qui suit les errances, les doutes et les volontés des uns et des autres, la réalisatrice nous entraîne dans une valse de sentiments, de larmes et de sensibilité que l’on aime voir à l’ecran. Pas pour se dire que le pire est chez les autres c’est rarement vrai mais simplement pour se dire aussi : Il peut y avoir pire ailleurs que chez moi et je peux aussi me raccrocher à des souvenirs, des sensations pour pouvoir solidifier mon noyau familial. Et alors on pourra toujours reprocher à la réalisatrice, une mise en scène un peu « foutraque », mais au final cela ne fait que servir le film et ses interprètent.
D’ailleurs, puisque l’on en parle, la distribution sait se faire remarquable, à commencer par Jean Pierre Bacri (Le Sens de la Fête) tellement bon, tellement grandiose lorsqu’il se laisse aller à l’émotion pure, qu’il laisse parler sa sensibilité.
Vanessa Paradis (Elisa), Camille Cottin (Dix Pour Cent) et Pierre Deladonchamps (Plaire, Aimer et Courir vite) forment un trio sensationnel et poussent leur art au meilleur et u plus haut niveau, avec des compositions toutes en sensibilité, n’hésitant à laisser transparaître un peu de leur propre affectivité. Nous les aimons, on les déteste mais de toutes les manières possibles, ils ne nous laissent pas indifférents.
En conclusion, « Photo de Famille » surprend par son côté un peu bazar, mais se révèle très vite parfaitement maîtrisé. Nous nous laissons aisément embarquer par cette valse de sentiments, à la fois tendre, émouvant et dont la distribution est d’une rare justesse. Une excellente surprise.