Raf et Julie, un couple au bord de la rupture, se retrouvent dans un service d’Urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manifestation parisienne des Gilets Jaunes. Leur rencontre avec Yann, un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l'extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…
Il y a toujours du militantisme dans le cinéma de Catherine Corsini, que ce soit dans « Interdit d’amour » qu’elle réalisa en 1992 ou dans « La Belle Saison » l’une de ses plus belles réussites en 2015. Mais cette fois-ci, la réalisatrice va aller plus loin. Avec « La Fracture », la réalisatrice va toucher deux des sujets qui lui tiennent particulièrement à cœur : La condition LGBT à travers le regard de ses deux personnages principaux, et les luttes pour les droits sociaux que furent les mouvements « Gilets Jaunes ». Comme elle le dit si bien elle-même, trouver une porte d’entrée pour faire cohabiter ces deux sujets sans faire un film militant ou partisan voilà qui était difficile. C’est en passant la nuit du réveillon du jour de l’an 2018/2019, que la réalisatrice eut la révélation sur sa porte d’entrée. Pour aborder des sujets aussi sensibles il fallait une porte d’entrée qui puisse à la fois être le symbole de la mixité mais également le choc inévitable de toutes les classes sociales : Le service des Urgences.
Et autant dire que le scénario qui ressort de tout cela pouvait être un peu « Casse-Gueule » tant les sujets sont sources de passions. Mais Catherine Corsini parvient à donner à son histoire non seulement la subtilité et la passion qui vont coller parfaitement aux personnages. La réalisatrice s’est renseignée pour peindre ses personnages de « Gilets Jaunes » et a puisé dans sa propre vie intime pour celui de son couple d’héroïnes. Avec un parfait équilibre dans la description et dans les discours que tiennent les protagonistes, Catherine Corsini se sort aisément du militantisme pour nous alerter sur les maux de la société. Evidemment le mouvement des « Gilets jaunes », par des Ultra Radicaux qui y ont vu un terrain de jeu idéal, et le soutien involontaire des militants, mais on a pu y voir également un état qui, à travers son ministre de l’intérieur utiliser des méthodes totalitaires et intolérables comme celui de demander aux urgentistes de signaler les patients issus des « Gilets Jaunes ». On y comprend également également que les droits de la communauté LGBT sont encore loin d’être respectés comme dans le cadre de la reconnaissance du deuxième conjoint dans le cas de filiation.
Outre la mise en scène très immersive et en apnée dans un service des urgences surmené, la réalisatrice par les images plus que par les mots nous démontre avec une réalité qui frise le documentaire à quel point l’hôpital public est malmené, à quel point les promesses faites y compris durant la crise du Covid n’ont cherché qu’à apaiser les tensions mais en aucun cas à résoudre les problèmes. Dans un contexte de campagne présidentielle particulièrement répugnant, où l’extrême droite n’a jamais été aussi prudente et la gauche aussi absente, et où un président en campagne rejoue le jeu des promesses électorales et des décisions de dernières minutes pour pouvoir ensuite endormir les foules. Dans un climat où l’on sort subitement de deux ans de Crise sanitaire et où les personnels soignants sont à bout de force face à des politiques qui ne parviennent et ne veulent plus faire leur travail comme leur engagement est censé les y soumettre, le film de Catherine Corsini tombe comme un objet nécessaire de réflexion, et comme une œuvre forte et intelligente qui ne peut laisser indifférente.
Côté distribution, si Valéria Bruni-Tedeschi (Enquête sur un scandale d’Etat), Marina Foïs (Polisse) et Pio Marmaï (Compagnons) sont, évidemment impeccable, surtout pour illustrer cette folie des Urgences et cette colère des Gilets Jaunes c’est logiquement du côté du reste de la distribution qu’il faut porter son attention, car une bonne partie n’est pas professionnelle et est issue du personnel soignant des Urgences à l’instar d’Aïssatou Diallo Sagna, qui reçue le césar de la meilleure actrice dans un second rôle et qui donne toute cette force et toute cette subtilité dans la mise en scène d’un service d’urgence et dans le travail difficile à tous les niveaux de ces gens que l’on tant applaudit et si peu entendu dans leur souffrance.