A Clermont-Ferrand, Médéric tombe amoureux d’Isadora, une prostituée de 50 ans, mais elle est mariée. Alors que le centre-ville est le théâtre d’une attaque terroriste, Selim, un jeune sans-abri se réfugie dans l’immeuble de Médéric provoquant une paranoïa collective. Tout se complique dans la vie de Médéric, tiraillé entre son empathie pour Sélim et son désir de vivre une liaison avec Isadora.
Déjà dans « L’Inconnu du Lac », Alain Guiraudie faisait preuve d’un sens de la mise en scène et de la narration qui lui était propre. Avec « Viens je t’emmène », le réalisateur nous entraine dans une histoire où sexe, attirance, paranoïa, terrorisme, racisme et préjugés viennent se mêler dans une intrigue calée entre Thriller et Comédie. Un grand écart assumé par le réalisateur qui a signé le scénario avec Laurent Lunetta qui avait déjà travaillé avec le réalisateur sur « L’Inconnu du Lac ». Un scénario intelligent qui va jouer de tous les clichés pour prôner le « Vivre Ensemble ».
Et ce n’est rien de dire que le film surprend par le ton utilise, mais également par la mise en scène parfois osée qui ne fait pas dans le détail, pour épurer au plus son propos, le réalisateur va pousser à plus de naturel, moins d’effets de caméras pour mieux empreinter ses personnages et son intrigue. Et pour mieux appuyer son propos, Alain Guiraudie nous invite à suivre les pérégrinations de Médéric, informaticien, amoureux d’une prostituée qui lors d’une soirée où des attentats viennent d’être perpétués au cœur de la ville, va rencontrer un jeune SDF maghrébin, Selim. Tout de suite les éléments pour mettre en lumière ces sentiments qui viennent rendre notre société si complexe, parfois si sales mais au final si belle, se mettent en place.
Dans une espèce de folie simple et pourtant beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, le réalisateur va alors nous faire croiser une galerie de personnages tous plus décalés les uns que les autres et pourtant si proches de la réalité qu’ils en font peur. Le jeune Sélim devient le catalyseur de toutes leurs névroses et de la paranoïa ambiante née des Attentats de 1995, effacée ces derniers temps par le COVID. Ces personnages vont surtout agir comme un miroir implacable sur nos propres angoisses, sur la manière dont nous abordons l’autre, dont nous pouvons le juger pour son apparence, sa religion ou son orientation sexuelle. Le cinéaste interroge, questionne et parvient à nous faire rire de situations que l’on a finalement connue, tout en nous attachant a ces personnages.
Et la distribution est au rendez-vous des ambitions du réalisateur. Que ce soit l’incroyable Noémie Lvovsky (Camille Redouble), toujours là où on ne l’attend pas, dans le rôle de cette prostituée vieillissante qui sert de pivot au début de l’intrigue. Jean Charles Clichet (Les Amours d’Anaïs) qui porte le film dans son rôle de Médéric, un homme un peu lunaire amoureux d’Isadora, et perturbé par la présence de Sélim. Et donc Iliès Kadri (Les Sauvages) dont on perçoit le potentiel de futur grand acteur. Le jeune homme joue à merveille sur l’ambiguïté de son personnage et le trouble qu’il provoque.
« Viens je t’emmène » est un film un peu ovni. Une comédie en forme thriller pour mettre en lumière nos préjugé et prôner « le vivre ensemble ». Le réalisateur livre une œuvre sensible et drôle et un constat implacable sur l’état de notre société.