Les Autres

En 1945, alors que son mari n'est pas rentré de la guerre, Grace (Nicole Kidman) élève seule ses deux enfants dans un immense manoir, sur l'île de Jersey. Les gamins, Anne (Alakina Mann) et Nicholas (James Bentley) ne doivent pas être exposés à la lumière du jour sous peine de graves lésions car ils souffrent d'une maladie rare. Une règle vitale s'impose donc : aucune porte ne doit être ouverte avant que la précédente n'ait été fermée ! Grace explique alors aux trois nouveaux domestiques qu'elle vient d'embaucher l'obligation qui leur incombe : plonger la maison dans l'obscurité. Mais l'ordre rigoureux imposé par la maîtresse de maison va être défié par des intrus pour le moins inquiétants.
Le réalisateur, Alejandro Amenabar, se trouve aussi être non seulement le scénariste de ce film mais aussi le compositeur de la bande originale : on peut parler de polyvalence. Cet espagnol âgé de moins de trente ans réalise avec Les Autres  son premier film en anglais et le troisème de sa courte et prometteuse carrière. Déjà, avec Tesis (1995) et Ouvre les yeux (1997), il s'était introduit dans le monde du cinéma de belle manière. Mais, avec ce film produit par les américains (dont Tom Cruise), il accède à la reconnaissance en étant considéré comme un surdoué et l'un des grands du cinéma contemporain. Seul Night Shyamalan (Incassable, Signes, Sixième sens) bénéficie d'une telle aura.
On comprend mieux cette réputation en visionnant Les Autres  et en examinant tous les aspects de cette oeuvre.
L'histoire est relativement classique pour ce genre de film : une femme vit dans une grande demeure isolée où surviennent des faits étranges. Mais, ici, c'est bien la lumière qui est source de terreur et non le noir, tout cela n'est pas dû au hasard ...
Le casting est parfait, aucun rôle n'a été négligé. Nicole Kidman est excellente; selon les moments, elle est forte et autoritaire ou sensible et effrayée. Les enfants lui donnent la réplique, surtout Anne (Alakina Mann), la fille aînée, qui tient tête à sa mère avec brio et occupe une place très importante dans l'histoire. Et puis, il y a les domestiques, Madame Mills (Fionnula Flanagan) la gouvernante, la jeune fille muette Lydia (Elaine Cassidy) et le jardinier, Monsieur Tuttle (Eric Sykes). Chacun est porteur d'un message que ce soit par son jeu ou par d'autres biais (attitude, détail physique ...).
Le lieu : la maison s'avérait primordiale dans une l'histoire en huis clos. Les décors sont mis en valeur par une lumière très travaillée. On pourrait aussi parler des accessoires et meubles, un simple piano peut devenir angoissant lorsqu'il se met à jouer dans une pièce sensée être inoccupée ...
La réalisation : Incontestablement Alejandro Amenabar est imprégné des grands classiques, comme il le revendique. Mais ne croyez pas pour autant retrouver un remake de Psychose  ou de La nuit du chasseur. La réalisation est efficace et sobre, peu de mouvements de caméras, quelques travellings, quelques plongées et contre plongées, mais rien n'est jamais fait au hasard. Quant aux effets spéciaux, ils s'intègrent dans les scènes avec une discrétion qui fait leur qualité. Alejandro Amenabar possède une maîtrise technique "Hitchkockienne"que beaucoup de réalisateurs en fin de carrière pourraient lui envier. Il apparaît donc probable que Nicole Kidman a été sublimée dans son jeu par la direction de cet "homme à tout faire" qui devait être d'autant plus à l'aise qu'il est le rédacteur du scénario.
On pourrait dire beaucoup de choses sur ce film, mais il faut quand même préserver un peu de mystère.  S'il ne me fallait en retenir qu'une (ce serait dommage !) ce serait  le suspense tant il est omniprésent et intense. Si vous aimez avoir peur, ce film est pour vous.
Ceci étant, on trouve bien un ou deux petits défauts, une fin peut-être un peu trop évidente, l'intervention du mari de Grace difficile à "décoder", en tout cas rien qui n'altère l'aboutissement et la cohérence de cette oeuvre. Alejandro Amenabar a bien des qualités mais, la première d'entre elles, consiste à ne pas forcer son talent, ce DVD en est un parfait exemple. Sans aucun doute un film à voir.

Le scénario a, comme fil conducteur (ce n'est pas le seul), la lumière et, plus particulièrement, les oppositions et interactions entre les scènes de plein jour et les passages dans l'obscurité (les plus nombreux). Le directeur de la photo (Javier Aguirre Sarobe) avait donc des consignes très précises, l'image met bien en valeur son travail. L'obscurité est traitée avec réalisme et conserve une lisibilité à tout moment. Il n'y a qu'à examiner le rendu de la lumière lorsque Nicole Kidman porte une lampe à huile et qu'elle traverse la maison pour constater combien on est plongé dans l'atmosphère. Les couleurs sont vives à certains moments et blafardes à d'autres : ce n'est pas un défaut mais plutôt une volonté du réalisateur en fonction de la scène tournée. En extérieur, dans le brouillard ,les couleurs sont "délavées" ce qui, d'ailleurs, apporte un surcroît de réalisme. Néanmoins, on peut remarquer quelques défauts de compression.
En somme, un bon travail qui ,sans être parfait, participe grandement à l'ambiance générale du film. 

La VO est proposée en Dolby Digital 5.1 alors que la VF dispose en plus du DTS 5.1. Disons le tout de suite, les trois choix sont identiques en terme de qualité. Chaque format possède une définition, une séparation des canaux et une justesse de timbre des plus réussis. Les chuchotements et les craquements du parquet sont bien perceptibles, de même que leur localisation. La dynamique est discrète mais c'est bien l'esprit du film qui le veut. En revanche, sur quelques passages (par exemple à la minute 30) toutes les enceintes (y compris le caisson de graves) sont mises à contribution avec une force et un réalisme tels que j'ai eu envie de me coucher sous mon canapé !
La musique, omniprésente, est reproduite de façon à envelopper le spectateur et à le plonger, davantage encore,  dans un état de tension: c'est parfaitement réussi. Le son multicanal n'est reproduit, avec succès, que lors de passages importants; le reste du temps, la bande son est conforme à l'ambiance intimiste recherchée par le réalisateur. 
C'est donc l'efficacité de la bande son qui prime et non son exubérance.

Chaque disque bénéficie de superbes menus animés sur fond de B.O. Les graphismes et la dominante noir et blanc entrent en symbiose avec l'esprit du film.

Disque 1 : le film
Le film
Audio : choix des formats audio et des sous-titres. C'est ici que l'on sélectionne le commentaire audio d' Amenabar : l'homme est prolixe et son intervention enrichissante n'est à manquer sous aucun prétexte. Au fait, savez-vous qu'il apparaît dans le film à un moment donné ? Ses propos regorgent d'anecdotes mais aussi de détails techniques sur sa réalisation. 
Chapitres : la présentation est assez inhabituelle, sous la forme de mini vignettes en bas de l'écran dont une, plus grande, est animée pour la sélection. L'originalité se fait au détriment de la lisibilité.

Disque 2 : bonus
Making of (DD 2.0, VO sous titrée Français, 23 minutes) : Le réalisateur, les acteurs (y compris les enfants) et le directeur de la photo interviennent à tour de rôle. Cette séquence est plutôt bien faite même si on n'y apprend rien de transcendant.
Films annonces (DD 2.0, VF, durée totale 10 minutes 34) : six films nous sont présentés à savoir : Spy Game, Nous étions soldats, 3 zéros, Avalon, Ali, L'auberge espagnole.
Galeries : (A noter qu'il existe un bonus caché dans cette section ...)
- Album de photos : sous la forme d'un diaporama, on accède aux clichés du tournage (30), aux dessins de production (29) et aux images concernant la maquette de la maison (14). La qualité des images est moyenne et leur choix pour le moins discutable (14 photos de maquettes !). L'ensemble de cette section ne présente que peu d'intérêt.
- Storyboard : cinq passages importants sont présentés avec une vignette animée (film) encadrée de plusieurs planches de dessins. Le résultat est intéressant mais, là encore, la lisibilité est perfectible.
- Filmographies : sous la forme d'un menu déroulant les filmographies de Nicole Kidman et Alejandro Amenabar défilent. Peu d'informations mais une très belle présentation.
Les effets spéciaux : Toujours avec le fond musical de la B.O, sept scènes clés sont analysées. Un peu à l'image du storyboard, la vignette du film est entourée de plusieurs écrans se rapportant aux divers effets et trucages. Aucune explication n'est donnée: ni écrite, ni orale. Les non initiés auront du mal à bien saisir le contenu.
Documentaires sur la maladie (DD 2.0, VF, 25 minutes) : La maladie dont sont sensés souffrir Anne et Nicholas dans le film est la Xeroderma Pigmentosum, une maladie génétique rare. L'éditeur a eu l'excellente idée d'inclure dans les bonus un reportage qui relate le cas de deux jumeaux de six ans. On suit donc la vie quotidienne de Vincent et Thomas avec les contraintes matérielles engendrées par cette maladie et on mesure mieux l'amour que leurs parents déploient. Une bonne initiative d'autant plus que les coordonnées d'une association sont fournies : bravo !

Pour résumer, les bonus sont nombreux, variés, mais leur qualité inégale et quelques défauts de conception en diminuent un peu l'intérêt.